Coalition FCC-CACH: Qui pour amorcer le « déboulonnage » de l’autre ?

La coalition FCC- CACH serait en train de passer l’épreuve du feu. Chaque jour qui passe, les deux partenaires étalent au grand jour les faiblesses d’une alliance qui ne tient qu’à un fil. A Lubumbashi, Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du PPRD, s’est attaqué, par mots voilés, à l’UDPS. Rendant coup pour coup, l’UDPS a réagi sans porter des gants. On n’est plus loin d’une rupture. En embuscade, le chef de l’Etat n’attend plus que le moment propice pour lancer enfin son plan de « déboulonnage » du système Kabila.

Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du PPRD, a-t-il franchi le Rubicon, en marge de la matinée politique de son parti à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga ? Le moins que l’on puisse dire est que le chantre du coup pour coup est allé remuer le couteau dans une plaie qui est encore loin de se cicatriser.

A Lubumbashi tout comme à Likasi, Ramazani Shadary a multiplié des déclarations qui ont fini par énerver le principal partenaire du FCC dans CACH, à savoir l’Udps du chef de l’Etat Félix Tshisekedi. En réalité, l’UDPS et le PPRD ne se sont jamais voué un amour sincère. Quoiqu’unis par le sort dans le cadre d’un accord de « cogestion », les deux partenaires se détestent. Dans le Haut-Katanga, le PPRD l’a prouvé noir sur blanc en s’attaquant par des circonlocutions qu’on a vite décryptées à l’UDPS.

En tout cas, à Limete, au quartier général, les attaques voilées de l’UDPS ne sont passées inaperçues. La levée de boucliers n’a pas tardé.

Qu’en est-il au juste ?

Tout a commencé lorsqu’à Lubumbashi, le secrétaire permanent du PPRD s’est lancé dans une louange envers l’initiateur du parti, désormais président national du PPRD, n’épargnant aucunement l’UDPS qu’il a du reste qualifié de « parti-milice ».

Le PPRD élève si haut Joseph Kabila qu’il le considère comme l’incarnation de l’Etat congolais. « C’est Kabila qui a désigné Ilunga Ilunkamba Premier ministre. Kabila est le chef du FCC qui est la puissance politique du Congo, Kabila est le chef du PPRD qui est la puissance du Congo, Kabila est le propriétaire de l’Etat, il est l’acteur majeur et principal de la RDC. Kabila est là », a indiqué Ramazani Shadary. Enfonçant le clou de ses attaques visiblement orientées vers l’UDPS, le secrétaire permanent du PPRD s’est alors déchargé sur le président de la République.

Il s’en est pris à la gouvernance de Félix Tshisekedi en qualifiant le mandat de celui-ci de « régime officiellement décrété d’impunité sous lequel le Congo ne se construira pas ». Sans doute faisait-il allusion à l’opacité qui entoure depuis toujours le détournement de 15 millions USD dans le secteur pétrolier.

C’en était trop pour irriter l’UDPS. Et c’est Augustin Kabuya, son secrétaire général, qui s’est chargé de Ramazani Shadary. Dimanche dernier, devant les militants réunis à son QG de Limete, l’Udps a réglé ses comptes avec le PPRD, sans toutefois épargner son président national, Joseph Kabila.

Sans surprise, Augustin Kabuya a pris la défense du chef de l’Etat. « Je ne peux pas permettre qu’on se joue du chef de l’Etat. Le chef de l’Etat a une base. Il a convaincu non seulement les Congolais, mais toute la communauté internationale. Ils vous emmènent sur une mauvaise voie. Nous n’avons peur de rien. Nous sommes au courant de toutes les réunions nocturnes qu’ils organisent. S’ils osent, seul Dieu sait ce qu’il adviendra du Congo ce jour-là. On ne va plus se laisser faire », a-t-il déclaré.

Sans transition, il s’est tourné vers Ramazani Shadary. « Allez demander à Shadary : l’Inspecteur général des finances avait déjà déposé son rapport auprès du Procureur général de la République. Le PGR n’est pas de l’UDPS. Il n’a pas été nommé par le président de la République. Si cela traîne, cela n’est pas un problème du chef de l’Etat ou celui de l’UDPS. Un homme sérieux ne peut pas dire ce qu’il a dit », note Augustin Kabuya.

Apparemment, le FCC a choisi la ligne dure. Tout comme l’UDPS, le FCC envisage sérieusement l’hypothèse d’une rupture avec son principal allié du CACH. Un tweet de Constant Mutamba, membre du bureau politique du FCC, a encore jeté de l’huile au feu. « De Cuba où je me trouve en immersion idéologique, j’exprime ma solidarité aux propos du secrétaire permanent Shadary. La rupture de la coalition FCC-CACH devient de plus en plus une nécessité de gouvernance politique », a-til repris sur son compte twitter.

Louis d’or Balekelayi, présenté comme le chargé de communication du PPRD, très proche de Ramazani Shadary, y a ajouté une couche. « Il ne sert à rien d’agiter la marmite parce que tout le monde veut donner la chance à la coalition pour la paix sociale », indique l’élu invalidé du Mont-Amba, dans la ville de Kinshasa. Lui non plus n’a pas été tendre à l’endroit du secrétaire général de l’UDPS qu’il a estimé ne pas avoir le même niveau intellectuel que le secrétaire permanent du PPRD.

La coalition FCC – CACH traverse une zone de très fortes turbulences. Les premiers signaux sont inquiétants. De part et d’autre, c’est l’escalade verbale. Il ne reste plus qu’une petite étincelle pour embraser tout l’édifice. Fautil en rire ou pleurer ?

Félix Tshisekedi en embuscade

Pendant ce temps, le chef de l’Etat a préféré se mettre à l’écart de cette politique, laissant le soin à son principal lieutenant, Augustin Kabuya, de s’occuper du PPRD. Pour le moment, Félix Tshisekedi encaisse le coup. Mais, il n’est pas exclu qu’il rompe le silence. L’on a encore frais en mémoire sa promesse de « déboulonner » le système Kabila.

Dans ce qui paraît comme un jeu où il y aura sûrement un gagnant et un perdant, Félix Tshisekedi ne veut pas être le premier à se jeter dans l’arène. En multipliant des attaques contre son régime, le PPRD pourrait tout aussi amener le chef de l’Etat à enclencher sa machine de déboulonnage. C’est tout aussi évident.

En réalité, la forte sortie médiatique de Ramazani Shadary n’est pas le fait du hasard. C’est un coup politique savamment muri, dont seul le PPRD en connait l’issue. Mais, gare à Félix Tshisekedi qui se tient en embuscade. Le chef de l’Etat peut tout aussi inverser les tendances et utiliser à ses dépens les erreurs du PPRD pour se débarrasser d’un partenaire politique gênant.

Au-delà d’une rupture qui se profile, tous les scénarios sont possibles. A malin, malin et demi.


Le Potentiel
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