A l’ère et à l’heure du confinement partiel de la ville de Kinshasa, imposé par la menace de propagation du Covid-19, tout semble confiné. Sauf les prix des denrées alimentaires de première nécessité. Selon le ministre provincial de l’Economie et finances, Jean Ngoy Mvuzi qui a effectué lundi 30 mars dernier, la ronde de principaux marchés de la capitale, il s’observe une augmentation de plus de 50% des prix des produits de consommation courante à Kinshasa. A titre d’illustration, un sac de cossettes de manioc est passé de 55 à 70.000fc. Enorme. L’envoyé spécial du gouverneur de Kinshasa attribue cette flambée à la spéculation générée par l’annonce, jeudi 26 mars, de la mesure de confinement total intermittent de la ville de Kinshasa, initialement prévu pour le week-end dernier.
Dans ce contexte précis de précarité générale et généralisée, amplifiee par la menace de propension du coronavirus dans le pays, il faut reconnaître toutefois qu’il existe une catégorie de gestionnaires qui en tire profit. Cas des mandataires publics en sursis depuis l’annonce de l’imminence de nouvelles mises en place au sein des entreprises du portfeuille de l’Etat. Car, à la suite des négociations sur le partage des entreprises publiques entre les deux plateformes politiques de la coalition au pouvoir, à savoir le Front commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le changement (CACH), ces chefs d’entreprises et autres établissements publics, (Présidents du conseil d’administration, Administrateurs délégués généraux, Directeurs généraux…), se voyaient déjà à quelques mètres de la porte de sortie.
Il s’avère qu’à ce jour, personne n’en parle. A la faveur de la pandémie de coronavirus dont le tout premier cas positif en RD Congo a été détecté le 10 mars dernier, toute l’attention des dirigeants du pays se trouve concentrée sur la recherche des voies et moyens susceptibles d’endiguer la propagation à grande échelle de cette maladie sur l’ensemble du pays. En d’autres termes, la sécurité sanitaire constitue, depuis la survenance de cette maladie mortelle, la priorité des dirigeants d’ici et d’ailleurs. Moralité, le dossier des mandataires publics en RD Congo, se trouve lui aussi « confiné », à l’égal des sujets d’autres secteurs de la vie nationale. Cas des sauts-de-moutons.
Il est naturel que quiconque tire profit d’une situation de crise, souhaiterait que celle-ci puisse perdurer le plus longtemps possible. Les chefs d’entreprises actuels du portefeuille de l’Etat congolais se retrouvent exactement dans ce cas de figure. En tout cas, malgré la psychose générale, en dépit des dégâts directs et collatéraux causés par le Covid-19, ces derniers, sans aucune prétention de lire leur pensée dans une boule de cristal, auraient voulu que la situation actuelle dure pendant un peu plus longtemps. Ainsi, ils auront bénéficié d’un « glissement », d’une prolongation de fait de leur mandat, a la tête des entreprises publiques.
COVID-19: UNE BELLE EXCUSE…
« En période de crise, le dirigeant se retrouve dans une posture où les décisions à prendre se multiplient. Il est confronté à un contexte où il doit réagir de plus en plus rapidement à une multiplication des tâches à accomplir. En résumé, le temps s’accélère, ce qui réduit d’autant son champ de vision. C’est un phénomène quasiment physiologique », postule Daniel Cohen, expert en stratégie et Président fondateur de Zalis, une société spécialisée dans le retournement d’entreprises basée en France.
L’assertion de ce Prof des étudiants en Master à Bordeaux et Paris (Finance, Management du Risque, Management de projets) et plus récemment à Sciences Po Paris, semble trouver son champ d’expérimentation dans la situation actuelle de la RD Congo. La crise dont parle ce scientifique n’est pas spécifiquement qu’économique, même s’il y met de l’emphase.
La crise causée par le Covid-19 survient en RD Congo, dans un contexte d’attentes généralisées, l’année 2020 ayant été proclamée, par le Président Felix Tshisekedi. « Année de l’action ». Depuis, les Congolais attendent impatiemment les premiers signaux concrets, qui donneraient corps à cet engagement du Chef de l’Etat.
Sur le plan des infrastructures, par exemple, les Kinois attendent voir les travaux de construction des sauts-de-moutons, se terminer dans le nouveau délai annoncé par les autorités du pays. Soit au plus tard le 30 juin prochain.
Par rapport à cette échéance de la fin des travaux, on n’a plus que deux mois maximum. Pas plus. Entre-temps, les jours passent vite. Sur le terrain, l’évolution des travaux dans certains chantiers renforce le doute de nombreux Kinois. Cas des sauts-de- moutons du Marché de la Liberté et Pascal, dans l’Est de Kinshasa, considéré non sans raison comme la partie à forte croissance démographique de la capitale congolaise.
Par ailleurs, dans d’autres chantiers où les travaux semblent avoir atteint un niveau d’exécution plus ou moins satisfaisant, le rythme a été quelque peu désaccéléré. Cas notamment du chantier du quartier Debonhome, dans la commune de Matete.
A la base du ralentissement des travaux, le confinement des Kinois, décidé par le Président de la République, dans le cadre des mesures préventives contre la propagation rapide du coronavirus dans le pays, annoncées le mercredi 18 mars dernier. La sécurité d’abord individuelle et ensuite collective des Kinois en vaut le prix.
Cependant, étant donné que la situation épidémiologique du Civid-19 à Kinshasa tend à prendre des proportions on ne peu plus inquiétantes, avec le nombre de cas détectés positifs qui va crescendo, on ne voit pas les autorités assouplir la mesure de Confinement des Kinois, même si dans certains coins populaires de la ville, les clichés semblent encore avoir la peau dure.
« LA CRISE A L’UDPS EN HIBERNATION »
D’ores et déjà, plus d’un observateur pense que comme en temps de guerre, cette situation de crise due au Covid-19, couvre les dirigeants du pays. Elle sonne comme une excuse à l’action.
En ce qui concerne les partis politiques, il faut tout de suite avouer que l’interdiction de rassemblement de plus de 20 personnes sur la place publique à Kinshasa, met en hibernation la crise qui a secoué le parti présidentiel au mois de février dernier.
On rappelle qu’à la suite d’une décision signée le 6 février de cette année, Jean Marc Kabund, président intérimaire de l’UDPS, avait investi une nouvelle équipe pour diriger la Commission électorale permanente (CEP) de l’UDPS, en remplacement de l’ancien comité piloté par Jacquemin Shabani. Depuis, une très vive tension a opposé les partisans de l’ex-numéro 1 de la CEP du parti tshisedetiste. Même si le concerné avait rejeté la mesure de son limogeage, à ceux du tandem Jean-Marc Kabund- Augustin Kabuya, respectivement président et secrétaire général ad intérim du parti de la très symbolique 11eme rue de Limete.
Politiquement donc, d’aucuns déduisent que le président Felix Tshisekedi, « Autorité morale » de son parti Udps, tire lui aussi, des dividendes collatéraux substantiels, des mesures qu’il a lui même prises pour « stopper » la progression du Covid-19 en RD Congo. Particulièrement a Kinshasa. Car, à ce jour, il n’y a plus d’attroupements de combattants, habituellement observés aussi bien dans les alentours que devant le siège même du parti.
Ainsi, de même que les mandataires publics doivent la surséance de leur départ ou de leur maintien – selon le cas- à la crise consécutive au Covid-19, les gestionnaires de l’UDPS savourent également, à leur manière, cette accalmie, genre cessez-le-feu, imposée par cette cruelle pandémie. Car, nul ne saurait dire, jusqu’où serait allé cette cacophonie qui portait déjà les germes de déstabilisation du parti cher à feu Étienne Tshisekedi, principal opposant à tous les régimes qui se sont succédé en RD Congo, depuis les années Mobutu.
Forumdesas.org/acturdc.com