Tshisekedi, «les trois obstacles au deuxième mandat»

Il est un fait que la configuration et les faiblesses de gestion du processus électoral par l’actuelle Ceni affectent très négativement la popularité de Tshisekedi. Tout comme le retour sur les stands de la proposition de loi dite « Loi Tshiani » qui n’épargne pas la réputation du président et renforce toutes les tensions politiques et communautaires.

Ce qui se passe à Bunagana est très dangereux pour la sécurité de la République démocratique du Congo. L’entrée triomphale des troupes UPDF (Armée ougandaise) dimanche en l’absence d’observateurs neutres et des FARDC est une matérialisation de la phase 2 de l’occupation de la République démocratique du Congo par les armées étrangères. Ainsi, les véritables auteurs de la mascarade M23 sortent leurs biceps devant les caméras du monde entier pour démontrer ce qu’ils ont toujours défendu devant la communauté internationale, leur prétendue capacité militaire qui dépasserait la puissance de feu de l’armée congolaise et de la Monusco.

Les troupes ougandaises déployées depuis Bunagana pour occuper Kiwanja, Rutshuru et le pont stratégique de Mabenga sur l’axe Lubero sont les mêmes qui ont été présentées sous les couleurs du M23 depuis 296 jours. Les mêmes éléments terroristes qui ont attaqué Bunagana avec les tenues des armées rwandaise et ougandaise défilent de manière triomphaliste devant une population médusée. L’opinion se demande ce que fera le gouvernement de la République démocratique du Congo au regard de cette invasion à ciel ouvert des armées étrangères sur le sol congolais.

L’UPDF en chars et engins lourds pour s’installer durablement en RDC

Le spectacle de l’entrée fastueuse des soldats ougandais, lourdement armés et aux visages rancuniers en provenance de Kisoro (district ougandais frontalier de Bunagana), a traduit l’état d’esprit de Yoweri Kaguta Musaveni, président de l’Ouganda qui a toujours nourri l’ambition de contrôler les entités riches de Rutshuru, Lubero et Beni. Le même Museveni qui insinua à l’époque de Mzee Laurent-Désiré Kabila qu’il voulait en RDC « plutôt un dirigeant faible » afin de maintenir sa main sur les immenses ressources naturelles de l’est congolais, prend la relève de Kagame et sort toutes ses carcasses de vieux chars fumants qui fracassent la couche de surface de nos dernières routes du territoire.

Un carnaval de vieilles machines qui donnent l’impression de venir se retraiter en République démocratique du Congo. Des vieux camions ravitailleurs sur lesquels sont bombardés des bulldozers, niveleuses et chargeuses. On dirait des véhicules de chantier. De quoi faire dire à la population que les Ougandais viennent s’installer éternellement. « Les mêmes troupes utilisées pour agresser la RDC sont recyclées, rhabillées et renvoyées à Rutshuru sous la forme officielle de l’armée régulière ougandaise », dénonce un acteur de la société civile de Jomba.

Les soldats envoyés dans le territoire de Rutshuru sont des éléments expérimentés dans les études de sol et du sous-sol, avertissent des experts en géologie et autres agents ayant une connaissance suffisante de la République démocratique du Congo. Ces soldats ont été sélectionnés pour la prédation. Ceci suppose que les troupes ougandaises ne viennent pas en mission de paix, mais plutôt « en mission d’occupation des terres », conclut un professeur de droit à l’université de Kinshasa. Face à cette situation, les populations de l’est et les élites congolaises s’interrogent sur ce que sera l’attitude du président congolais Félix Tshisekedi vis-à-vis de l’EAC.

L’EAC est-ce une faiblesse pour le mandat de Tshisekedi ?

L’adhésion de la République démocratique du Congo à la communauté des États de l’Afrique de l’Est (EAC) continue de placer Félix Tshisekedi dans une équation d’extrême délicatesse politique. Des armées étrangères s’entassent dans le Kivu déjà suffoquant de l’état de siège (Ituri et Nord-Kivu). Plus de 500.000 personnes atrocement contraintes de vivre à la merci des intempéries, de la famine et des maladies. Ces déplacés de guerre jusqu’ici abandonnés à leur sort ne savent à quel saint se vouer. Les députés nationaux et provinciaux sont détestés par leurs électeurs, fatigués d’une guerre éternisante. De l’humiliation infligée a toute une nation par des États prédateurs, cette situation donne de l’eau au moulin des adversaires de Félix Tshisekedi qui considèrent globalement que le président avait opéré un mauvais choix d’alliance avec l’EAC.

Au regard de cet état des choses, Goma est devenue la capitale des armées étrangères. C’est une ville des armées du monde. Et les populations de la région n’ont pas assez d’informations sur les missions de ces armées, la durée exacte de leur séjour dans la région, leurs attributions respectives, le genre de collaboration avec la population, mais aussi entre elles. Les Ougandais font la fête dans les forêts congolaises. Pendant ce temps, des préoccupations légitimes sont soulevées quant à l’impact de leur présence sur les plans : social, économique, humanitaire, politique, sécuritaire et des droits humains. Pour éviter une cohabitation tumultueuse, il faut promouvoir une coexistence pacifique et assurer une meilleure collaboration dans la complémentarité. Les députés ont recommandé au chef de l’État et à l’Assemblée nationale de bien vouloir fournir toutes les informations nécessaires aux populations sur la présence de ces armées et leur mission dans la province du Nord-Kivu.

Loi Tshiani, est-ce un levier électoral du pouvoir ?

Félix Tshisekedi aura du mal à se dédouaner des accusations chaque jour plus insistantes en rapport avec son possible téléguidage de la proposition de loi « Tshiani ». Alors que le président s’en était tactiquement démarqué au cours d’une interview à la Voix de l’Amérique, la grêle Tshiani s’abat de nouveau sur la cité, entraînant une épaisse fumée de colère populaire. Qu’elle passe ou non, l’une des victimes de cette loi sera Félix Tshisekedi que la population juge de peureux vis-à-vis de Moïse Katumbi Chapwe. En quoi Katumbi ferait raisonnablement frémir Félix Tshisekedi, s’interroge un professeur de l’IFASIC à Kinshasa. Quoi qu’il en soit, l’opinion a déjà sa conclusion : “Félix tente d’éliminer Katumbi de la course pour rester seul maître à bord de la présidentielle”.

Denis Kadima, une autre épine sous le pied de Tshisekedi

Depuis sa nomination, le président de la CENI fait l’unanimité de toutes les contestations. Il n’est toléré ni à gauche ni à droite, moins encore au centre. Pour beaucoup d’acteurs politiques congolais, Félix Tshisekedi laisserait pourrir la situation afin de mettre tout le monde devant un fait accompli. Kadima est objecté par quasiment toutes les sensibilités sociopolitiques du pays en raison de sa désignation jugée trop partisane et du mutisme du président de la République à tout laisser faire sans chercher à secouer la machine.

Tant que Denis Kadima restera bombardé à la tête de la centrale électorale, le climat politique ne fera qu’empirer. Viennent s’y ajouter des impondérables faiblesses opérationnelles du processus. L’expertise et l’expérience du président de la CENI sont lisiblement questionnables et son attitude délibérément intangible complique la tâche aux vertus d’un processus électoral voulu apaiser. Ici encore, les uns et les autres rejettent toute responsabilité sur Félix Tshisekedi.

OURAGAN / ActuRDC

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