Ambroise Mukebayi, bibliothécaire et responsable de la bibliothèque de la faculté des Lettres et sciences humaines, depuis près de dix ans nous raconte son expérience, les défis de son métier, notamment la baisse criante de la fréquentation de bibliothèque par les jeunes et l’avenir de sa profession.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai terminé mes études à l’UNILU, en 1985 au sein de cette faculté. J’ai une licence en Linguistique africaine du département de langue et littérature africaine. J’ai commencé à travailler à l’université en 1990. À l’époque, j’étais affecté à la bibliothèque centrale où j’ai passé six mois d’essai avant d’être installé à la bibliothèque des sciences sociales, où j’ai passé 11 ans, de 1992 jusqu’en 2003. Ensuite, le directeur de l’époque, M. Sanga, m’a nommé chef de section de la bibliothèque facultaire de droit entre 2003 et 2009. Une année plus tard, j’étais nommé chef de section à la bibliothèque de sciences sociales pendant trois ans. Je suis l’auteur de l’installation de la bibliothèque interfacs de sciences sociales. En 2013, j’ai été affecté comme chef de section à la bibliothèque de la faculté des lettres.
Présentez-nous la bibliothèque de la Faculté des lettres
C’est une bibliothèque qui découle d’une fusion des séminaires. À l’époque, chaque département avait son séminaire. La faculté de lettres comptait le département de langues et littératures africaines, langues et littératures française, anglaise, latine, le département de philosophie et celui d’histoire.
En 2002, tous ces séminaires ont été fusionnés pour en faire une seule bibliothèque de lettres et sciences humaines. Tous les ouvrages de ces séminaires ont été installés ici. Cette bibliothèque vit des livres de la coopération belge des universités francophones. À l’époque de Lititi mboka, il y a eu pillage dans les séminaires. Les autorités académiques ont alors décidé de fusionner l’ensemble des livres des séminaires, car celui de français n’avait pas été touché.
D’après vos estimations, combien de livres contient votre bibliothèque ?
Nous avons deux stocks. Le nouveau, avec des livres souvent consultés, compte 1 670 livres et l’ancien stock contient jusqu’à 3 000 livres. Nous pouvons avoir un total qui avoisine les 5 000 livres.
Quelles sont les particularités de cette bibliothèque ?
Ici, nous avons des livres de spécialités, des livres de base que l’on ne peut pas trouver ailleurs. Par exemple, nous avons des livres de linguistiques africaines, langues et civilisations françaises, sémantique, phonétique, des livres de littérature orale de grammaire, etc. Nous avons également des livres d’Histoire, très rares. Des étudiants de l’Institut Supérieur Pédagogique viennent étudier ici ou passer leur recherche pour des travaux de fin d’études ici.
Quelle relation les étudiants ont-ils avec cette bibliothèque ?
Nous dépendons des services académiques c’est-à-dire l’enseignement et les recherches. Les étudiants, pour réaliser leurs travaux de fin de cycle ou des travaux pratiques (TP), doivent nécessairement passer la bibliothèque. C’est cela notre relation parce qu’à l’université, on ne forme pas des praticiens, mais des chercheurs. Les étudiants sont ainsi obligés d’être à la bibliothèque chaque jour, pas seulement pour les travaux, mais aussi pour enrichir leur culture.
Racontez-nous une anecdote ou un souvenir de votre carrière de bibliothécaire
En général, ce sont les relations que je tisse avec les étudiants ou les enseignants, voire des chercheurs indépendants. Parfois je suis dans un taxi et le chauffeur m’annonce que l’on a payé le transport pour moi, parfois c’est une situation de la vie quotidienne résolue par une personne que j’ai rencontrée à la bibliothèque. J’ai vécu des moments très importants depuis mes débuts comme bibliothécaire.
Quels sont vos rayons les plus fréquentés et ceux qui le sont moins ?
Le rayon des livres des sciences de l’information et de la communication est très fréquenté. Il y a également celui des sciences appliquées, où il y a des livres sur le marketing, la publicité et l’organisation des entreprises. Je parlerais aussi du rayon de langues. Par contre, le rayon de philosophie n’est presque pas fréquenté, celui d’histoire aussi ou la religion.
Vous dites que les étudiants ne passent pas assez à la bibliothèque. Comment l’université peut-elle les stimuler à fréquenter cet espace plus souvent ?
Les enseignants doivent parler de la bibliothèque. Ils doivent les orienter pour passer faire des recherches grâce aux livres que nous avons ici. On ne peut pas juger la bibliothèque de l’extérieur, il faut y entrer pour connaître ce que nous disposons comme fonds documentaire. Même les assistants des enseignants doivent venir travailler ici. La sensibilisation pour que les étudiants fréquentent les bibliothèques n’est pas réservée qu’aux bibliothécaires, mais à tout le monde.
Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
Principalement le fait que les étudiants de la faculté des lettres, bien que la carte d’abonnement coûtée très moins cher (6 USD pour l’année académique), préfèrent consulter gratuitement. Cela nous rend la tâche difficile parce que si les étudiants ne prennent pas l’abonnement, il nous sera difficile de retenir la bibliothèque. Nous devons réparer les livres, nettoyer l’espace, etc.
Quelle est votre moyenne annuelle d’abonnement ?
Nous ne dépassons pas 100 abonnements. Quand c’est plus, c’est une dizaine ou vingtaine de plus. Cette année, par exemple, nous n’avons pas encore atteint 100 abonnements alors que nous tendons vers la fin du premier trimestre, la faculté compte à peu près 5 000 étudiants.
D’après votre expérience, quel est l’avenir de la bibliothèque ?
Vous voyez, avec les nouvelles technologies, la bibliothèque perd de plus en plus son ampleur. Aujourd’hui, chaque étudiant se promène avec une bibliothèque dans sa poche, un téléphone Android. Ceux qui viennent lire sont de moins en moins nombreux. Si nous ne faisons pas attention, la bibliothèque physique risque de disparaître.
Papa Ambroise, un dernier mot ?
Je dirais que les étudiants doivent cultiver l’habitude de passer à la bibliothèque pour découvrir les trésors cachés que nous avons. À partir de cette bibliothèque, ils auront les livres qu’ils vont utiliser pour leurs travaux. Il ne faut pas qu’ils jugent notre bibliothèque par l’extérieur ou des rumeurs. Qu’ils passent palper la réalité de notre fonds documentaire.
Iragi Elisha