Des promoteurs allemands envisagent d’importer de l’hydrogène produit à partir de l’électricité d’Inga, profitant de fonds européens pour développer cette forme d’énerqje propre. Mais il y a encore loin des intentions à la réalité.
Depuis des décennies, le projet de produire de l’hydrogène à partir de l’énergie du barrage d’Inga est caressé par les ingénieurs. Parmi eux, le Belge Robert Arnould et le Congolais Bertin Bangula, estimaient dans une communication universitaire en 2011 que les sites de Manyanga et d’Inga recèleraient un potentiel correspondant à 10% de la demande mondiale l.
Pour Paul Frix, ancien directeur de l’Agence belge de coopération au développement (AGCD), ce projet a du sens. C’est pourquoi, il dit comprendre la démarche, validée par le conseiller Afrique de la chancelière Merkel, Günter Nooke, entreprise par l’Allemand Gernot Wagner, patron de la société Evagor, qui s’est rendu à Kinshasa en août dernier pour convaincre la présidence de la pertinence du projet.
Mais celui-ci exige des investissements importants. Outre l’usine d’électrolyse qu’Evagor veut construire à Banana sur l’Atlantique, qui serait alimentée à partir du futur barrage d’Inga 3, il implique la construction d’un port en eau profonde dans cette même ville pour accueillir les hydro-tankers, chargés d’évacuer l’hydrogène sous forme liquide, qui pourrait coûter jusqu’à un milliard de dollars
Pour financer son mégaprojet, auquel il veut associer d’autres sociétés allemandes (Siemens, Linde, VN Gas et la Deutsche Bank), Gernot Wagner compte sur l’argent européen. Il inscrit sa démarche dans le contexte de la stratégie de l’hydrogène vert présentée le 8 juillet dernier par la Commission européenne pour décarboner les secteurs les plus polluants comme la sidérurgie et les transports et conduire l’UE vers la neutralité climatique en 2050, en remplaçant les énergies fossiles.
Comme les capacités européennes de production d’hydrogène vert sont limitées, la Commission souligne l’importance du potentiel africain et le besoin d’accélérer le développement de la capacité de génération d’énergie propre sur le continent. A cette fin, elle entend explorer de telles opportunités de promouvoir des projets dans le cadre de l’Initiative d’énergie verte Afrique Europe et c’est précisément cette intention qu’entend exploiter Gernot Wagner.
Au nombre de ces pays figure le Maroc qui a signé un accord de coopération avec l’Allemagne qui prévoit la construction d’une unité de production d’hydrogène vert, alimenté par des éoliennes et des centrales solaires. Face à cette concurrence, le Congo peut faire valoir l’avantage comparatif de l’énergie la moins chère que produirait Inga 3, à un coût très inférieur. À cet égard, le gouvernement congolais se dit assurer de l’intérêt allemand pour le projet de Gernot Wagner qui vise à une production annuelle de deux millions de tonnes d’hydrogène, soit 4 %.de la production mondiale actuelle, selon le ministre de la coopération internationale, Pépin Guillaume Maniolo
Pareille perspective, considère Paul Frix, justifierait un intérêt accru de l’UE pour Inga 3 qui est la condition sine qua non de la réalisation de l’usine d’hydrogène. L’UE, dit Frix, pourrait au minimum financer le coût d’une étude sur les stratégies tarifaires nécessaires pour que Inga 3 voit le jour. En attendant, il est nécessaire dit Paul Frix de s’assurer que l’Allemagne dispose d’une capacité maritime suffisante pour transporter l’hydrogène liquide du Congo vers l’Europe.
Mais au delà de la pertinence d’exploiter l’hydrogène, la taille modeste de la société Evagor dont le bilan n’atteint pas les 13 millions d’euros, suscite des interrogations sur sa capacité à développer son projet congolais. Tout au plus, dans une vidéo postée sur le site d’Evagor, Gernot Wagner explique-t-il que son projet bénéficie du soutien de plusieurs institutions qu’il ne cite pas. Peu de détails ont filtré sur le business plan d’Evagor, sur la taille de la centrale, sur son coût et sur la quantité d’énergie d’Inga 3 nécessaire à son fonctionnement. En outre, la société ne compte pas que des amis au Congo. Elle est en litige avec la Gécamines à propos du projet de centrale thermique de Luena (CTL) qu’elle avait proposé de construire en 2012. La Gécamines, actionnaire à 70% de CTL lui avait commandé une étude de faisabilité de 15 millions de dollars. Mais celle-ci au dire de la Gécamines avait été incomplète et la garantie du financement du projet par une banque allemande ne fut jamais fournie. Depuis, la Gécamines s’est lancée dans la recherche de nouveaux partenaires. Dans la mesure où le patron de la Gécamines, Albert Yuma, appartient au cercle rapproché de l’ex-Président Joseph, Kabila, il n’est pas sûr que les Allemands rencontrent tous les soutiens dont ils auraient besoin pour faire avaliser leur projet d’usine d’hydrogène.
Un autre écueil est que la condition sine qua non de la réalisation de leur projet, la construction d’Inga, soit effective à bref délai. Or, ce n’est pas gagné. En 2018, l’Agence pour le développement du projet Grand-Inga (ADPI) qui dépend de la Présidence de la République a annoncé que la capacité d’Inga 3 ne serait plus de 4 800 MW comme initialement mais de 11 000 MW. Ce qui suppose un investissement bien plus important que les 14 milliards prévus pour le financement de la construction du barrage, de la centrale et des interconnexions plus difficile, dans le scénario d’une centrale de 4800 MW. Qui plus est, alors que la conception des grands projets d’électricité repose généralement sur l’assurance de clients solvables sur la durée qui facilite la garantie du projet par des banques, l’ADPI a annoncé une augmentation de la capacité future d’Inga 3 sans avoir les garanties de pouvoir vendre toute l’électricité additionnelle.
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