«J’appelle le peuple congolais à demander à ce que justice soit faite. Je demande au peuple congolais de se lever. Personne ne le fera à notre place. C’est au peuple d’exiger que le droit soit dit. Et là, je vois très mal comment la Communauté internationale, ou même le gouvernement, va continuer à échapper ».
A la fois implacable et défiant, cet appel, Dr Denis Mukwege l’a lancé dans son interview du 1er octobre 2020 en « Invité Afrique Rfi ».
Bien entendu, l’opinion s’attendait à un signal fort en provenance de BUKAVU, chef-lieu du Sud-Kivu, province abritant deux symboles de la lutte ayant fait la réputation du Prix Nobel : les hôpitaux de Lemera et Panzi.
De Lemera, point de départ de sa croisade contre l’impunité, Dr Mukwege en a fait l’entame de son discours lors de la cérémonie d’obtention du Prix Nobel le 5 octobre 2018. « Dans la nuit tragique du 6 octobre 1996, des rebelles ont attaqué notre hôpital à Lemera, en République Démocratique du Congo (RDC). Plus de trente personnes tuées. Les patients abattus dans leur lit à bout portant. Le personnel ne pouvant pas fuir tué de sang-froid. Je ne pouvais pas m’imaginer que ce n’était que le début. Obligés de quitter Lemera, en 1999 nous avons créé l’hôpital de Panzi à Bukavu où je travaille encore aujourd’hui comme gynécologue-obstétricien… », dit-il.
Quant à Panzi, il est devenu le sanctuaire où il « répare » les dégâts des violences sexuelles pour cause de guerre dans l’hinterland kivutien.
Le 1eroctobre 2020, était effectivement garantie la mobilisation forte des compatriotes du Sud-Kivu, précisément de Bukavu, en soutien à la croisade pour l’appropriation du Rapport Projet Mapping (RPM) avec pour finalité la création d’un Tribunal international pour la RDC.
Hélas ! Ils n’étaient que près de 5.000 personnes à se mobiliser là où des partis politiques en alignent facilement des dizaines de milliers Place de l’Indépendance. « Environ 5.000 personnes ont manifesté, ce jeudi 1er octobre à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, pour réclamer la mise en place d’un tribunal spécial pour la RDC », rapporte Rfi dans sa dépêche du 2 octobre 2020 publiée sous le titre « Dix ans du rapport Mapping en RDC : des manifestations pour exiger la justice ».
Pire : présent dans la ville, Dr Denis Mukwege n’a pas accompagné les manifestants. « Malgré sa promesse de participer à cette marche encadrée par la police, le prix Nobel de la paix 2018 le docteur Denis Mukwege était absent. Ses proches ont évoqué des raisons sécuritaires », lit-on dans cette dépêche.
Pis : du journal Rfi de 23h30 le 1eroctobre, les auditeurs ont appris de Scott Campbell, l’un des panelistes influents de l’Onu chargés de rédiger le RPM, l’option levée de ne pas citer nommément les suspects, cette responsabilité étant laissée plutôt aux chambres du tribunal international pour les crimes commis en RDCongo lorsque cette instance sera mise en place.
Or, tout le monde le sait : un projet n’a aucune valeur juridique ni judiciaire (lire chronique intitulée « Rapport Projet Mapping : allez-y, sans y mêler Fatshi ! »). C’est juste un draft.
Conséquence : gardé comme tel et, en plus sans désignation des présumés coupables, le RPM sert vraisemblablement de moyen de pression pour obtenir des personnes morales ou physiques visées autre chose que la justice à l’égard des victimes. Quelque chose qui ressemblerait à du chantage.
La dépêche de Rfi est intéressante en ce que deux compatriotes, Raphaël Ghenda pour le compte de l’Afdl, et Roger Lumbala pour celui du Rcd-N ont remis en cause ce rapport.
Le premier déclare : « Partout où nous sommes passés, nous ne nous sommes pas livrés à des exactions comme on l’a connu à Makobola, Kassika, Kissangani… Qui en sont les responsables ? D’abord les deux grands mouvements politiques congolais que vous connaissez : MLC et RCD».
Le second lance : « Il ne s’agit de revenir encore sur la décision de la justice pour entamer d’autres actions alors que la République démocratique du Congo, en tant que pays souverain, a déjà voté l’amnistie pour permettre la cohabitation pacifique, la réconciliation nationale».
Ainsi, Ghenda dégage la responsabilité de son mouvement pour engager celle du Rcd et du Mlc, Lumbala brandit l’amnistie.
Croisons les doigts pour que les dirigeants du Rcd-Goma et du Mlc ne répondent pas aux dirigeants du Fcc, plateforme à laquelle appartient, pendant que le rapprochement de l’Udps que tente le Rcd-N ne devienne pas hypothétique, de même que celui, déjà consolidé, de l’Unafec de Kyungu.
Une fois de plus, la précision à s’imposer est que personne de sensé ne peut s’accommoder du règne de l’impunité dans la communauté. Les crimes commis entre mars 1993 et juin 2003 ayant été documentés, il faut bien que tôt ou tard la justice se saisisse du dossier.
Cependant, l’acquis indéniable aujourd’hui est l’imprescriptibilité des crimes perpétrés.
Que faire de raisonnable dans un contexte politique, géopolitique et géostratégique susceptible de basculer le pays dans l’inconnu ? Le sage ne se précipite pas. Il attend le bon moment. Le moment propice.
Avouons que le 10èmeanniversaire de la publication du draft qu’est le RPM ne l’est pas.
Aux « congologues » d’ici et d’ailleurs de chercher à savoir pourquoi Bukavu, réputé fief du mouvement social communément appelé Société civile, a donné un mauvais signal avec la « mobilisation-démobilisation » du 1eroctobre 2020 ! Car, trois jours plus tôt, précisément le 28 septembre, un événement plus important que tout le reste venait de se produire au Sud-Kivu : l’installation du bourgmestre de la commune rurale de Minembwe.
C’est à croire que le battage politico-diplomatico-médiatique fait autour du Rapport Projet Mapping n’aura été qu’un stratagème pour….. (à chacun de remplacer les pointillés par sa déduction
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