L’ambiance pourrait ne pas être à la fête dans les écoles conventionnées catholiques, à la rentrée scolaire officiellement prévue pour ce lundi 12 octobre en RD Congo. En cause, la menace du Syndicat national des enseignants catholiques (SYNECAT), qui conditionne la reprise des cours par certains préalables à remplir par le Gouvernement. Parmi ces préliminaires, Jean-Bosco Puna, secrétaire général de ce syndicat, cite entre autres, la mécanisation ou prise en compte des Nouvelles unités sur les listings de paie.
Cependant, du côté des officiels, on assure que toutes les dispositions sont prises pour une rentrée scolaire apaisée à Kinshasa. Selon Charles Mbuta Muntu, ministre provincial de l’Education qui donne ces assurances à tous les partenaires du secteur, rien ne saurait, ni perturber ni donner lieu à un report de date de la rentrée scolaire 2020-2021 sur l’ensemble du territoire national. Particulièrement à Kinshasa. Il se trouve que ce denier n’a fait aucune allusion aux conditions posées par le Synecat, comme préalables à la reprise des activités dans toutes les écoles conventionnées catholiques.
A la décharge du gouvernement de la ville province de Kinshasa, la régularisation de la situation salariale des enseignants Nouvelles unités prestant dans les établissements catholiques, relève de la responsabilité du Gouvernement central. D’où, les raisons pour Charles Mbuta Muntu, de se montrer beaucoup plus prudent à ne pas évoquer cet aspect du problème, dans ses déclarations faites hier jeudi 8 octobre dans certains médias de Kinshasa dont la radio privée Top Congo Fm.
DES PARENTS PRETS A REPRENDRE LA «CROIX»
Une année scolaire se termine, une autre commence. En RD Congo, les deux années (2019-2020 et 2020-2021), présentent quelques similitudes. Si l’année scolaire 2019-2020 s’est clôturée dans un contexte de Covid-19, celle de 2020-2021 ouvre ses portes dès ce lundi, dans le même environnement socioéconomique précaire de crise sanitaire mondiale, due à la pandémie citée ci-dessus. Cette situation place les Gouvernants congolais dans l’obligation de doter les écoles, d’importants kits de matériels nécessaires, pour éviter la propagation de la maladie en milieux scolaires.
Sur le plan strictement organisationnel, la nouvelle année scolaire démarre sur fond de la gratuité de l’enseignement de base, amorcée depuis la dernière année dans tous les établissements publics. De quoi contenter de nombreux responsables de familles sans ressources. Car, désormais dispensés de tous les frais scolaires exigés au cours de toutes les années scolaires antérieures. C’est donc cette mesure qui explique l’augmentation constante du taux de scolarité en RD Congo.
Par exemple, à la première année scolaire (2019-2020) de l’application de la mesure de la gratuité de l’enseignement de base dans toutes les écoles publiques, «plus de 2,5 millions d’enfants sont retournés à l’école sur toute l’étendue de la RD Congo». Ces statistiques ont été révélées en mai 2019 par le Partenariat mondial de l’éducation (PME).
Pourtant, bien avant cette mesure, le pays était considéré comme l’un des pays avec le plus grand nombre d’enfants en âge de scolarité, non scolarisés faute de moyens. «On estime que 3,5 millions, soit 26,7 % des enfants en âge de fréquenter le primaire, ne sont pas scolarisés», avait ajouté cette structure d’aide à l’éducation dans les pays pauvres. Toutefois, le PME s’était réjoui de constater que la RD Congo a tout de même progressé, avec 70% d’élèves achevant le primaire en 2014 contre 29% en 2002.
Cependant, au-delà de certains avantages qu’elle présente, la gratuité de l’enseignement de base en RD Congo a produit des effets très néfastes. Le plus important est la surpopulation dans des salles de classe où les effectifs sont passés de 45 à plus de cent élèves. A l’évidence, cette explosion démographique spontanée, ne peut qu’impacter négativement sur la qualité même de l’enseignement dans les établissements publics, dans la mesure où l’enseignant se retrouve dans l’incapacité réelle de suivre individuellement chaque enfant.
Conscients de cette situation de baisse sensible du niveau de leurs enfants, certains parents d’élèves des écoles catholiques, disent être prêts à reprendre leur «croix». A savoir, la contribution à la rémunération des enseignants, pourtant supprimée depuis la dernière année scolaire.
«Nous ne voyons plus clair. L’Etat doit être réaliste. Nous n’avons rien contre la gratuité de l’enseignement à l’école primaire. Mais nous constatons, cependant, que cette mesure ressemble à un remède qui est plus nocif que la maladie qu’il est censé guérir. C’est l’avenir de nos enfants qui est mis en cause. Nos dirigeants ont les leurs ailleurs et étudient dans des conditions acceptables. Que le Gouvernement nous laisse prendre nos responsabilités parce que nous y étions déjà habitués», déclare sur un ton de révolte, le président du Comité des parents d’un grand collège conventionné catholique à Kinshasa, contacté hier par Forum des As.
DES CONTRAINTES BUDGETAIRES
Peu importe ses avantages, du reste très controversés, la gratuité de l’enseignement primaire en RD Congo a un coût. L’année passée, par exemple, le rapport des experts présenté au cours de la deuxième «Table ronde sur la gratuité dans l’enseignement de base», organisé en mai 2019 à Kinshasa, indiquait que le coût global de la gratuité pour l’année budgétaire 2020 était estimé à 4 225,346 milliards de francs congolais, soit quelque 2,64 milliards de dollars américains.
À elle seule, cette somme représentait plus de 40% du budget de l’État pour la même année 2020, chiffré au départ à un peu moins de six milliards de dollars pour 80 millions d’habitants. Pourtant, ce budget 2019 ne prévoyait pas de financer la gratuité de l’enseignement primaire public pour les quatre derniers mois de l’année.
Compte tenu de l’impossibilité qu’a rencontrée le Gouvernement dans la mobilisation des recettes publiques, à cause de la survenance de la pandémie de Covid-19, d’aucuns cherchent à savoir de quelle manière l’Etat congolais va-t-il s’y prendre pour maintenir la gratuité de l’enseignement au cours de cette nouvelle année scolaire. Le Gouvernement a-t-il suffisamment de ressources pour relever ce défi ou qu’il compte plutôt sur des appuis financiers de ses partenaires extérieurs, dont la Banque mondiale (BM).
Toujours est-il que les dirigeants congolais se retrouvent devant une situation complexe, tel qu’ils ne savent plus faire marche arrière. « Les défis de la gratuité nous imposent d’assurer sa pérennisation et de veiller surtout à la qualité des enseignements que nous dispensons à nos élèves. J’en appelle à la conscience de tous les acteurs pédagogiques, gestionnaires, enseignants, parents, syndicalistes, société civile ici présents, de protéger tous ces acquis et de s’inscrire résolument dans cette dynamique de développement de notre sous-secteur. Le vice-ministre et moi-même, sommes conscients de l’ampleur de la situation et de la diversité des actions à mener pour un profond changement. Cependant avec l’implication de tous, nous sommes capables de faire bouger les lignes », Avait déclaré le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST), Willy Bakonga, lors d’une cérémonie d’échange des vœux 2020, avec le personnel de son secteur à Kinshasa. Sympathique. Mais au-delà d’une action politique, le réalisme s’impose. Au quel cas, il y a risque que le moteur du train de la gratuité ne s’arrête à mi-parcours.
Forumdesas.org/acturdc.com