Présidentielle 2023 : Kamerhe s’éloigne de Tshisekedi

Après deux semaines passées dans le Grand Kivu et la Tshopo, Vital Kamerhe a bouclé sa tournée « Amani », initialement annoncée comme placée à la recherche des mécanismes en vue du rétablissement de la paix – avec au centre des concertations confidentielles la question de l’occupation de Bunagana par le M23 soutenu par l’armée rwandaise.

Parti avec la bénédiction du Chef de l’Etat, la tournée s’est transformée, selon des témoins oculaires, en une campagne d’autopromotion au cours de laquelle peu de place a été consacrée aux programmes du Gouvernement ou au soutien des populations en vue de la réélection de Félix Tshisekedi pour un second mandat présidentiel.

Posture qui jette une hypothèque sur le soutien que le Président de la République attend du leader de l’UNC (Union pour la nation congolaise) à la présidentielle de décembre 2023.

Vital Kamerhe, leader de l’Union sacrée de la nation (UNC), joue le chaud et le froid. De sa tournée «Amani » (tournée de la paix), qui a connu des résultats mitigés, l’enfant terrible de Walungu ne jure plus que par sa détermination à faire payer au Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo son péché de l’avoir laissé se faire condamner par la justice pour corruption.

Kamerhe sait que par la voie des urnes, il ne pourra pas rebondir. Il souhaite se faire payer hic et nunc. Il veut être ce Premier ministre qui conduira le pays aux élections de 2023. Le projet de Vital Kamerhe est aussi d’exiger au camp Tshisekedi de soutenir sa candidature à la prochaine présidentielle. Pour Kamerhe, il n’est pas question de soutenir le Chef de l’Etat sortant. Ce soutien est conditionné par le poste de Premier ministre.

Un chantage de bas étage, répond-on en écho dans l’entourage présidentiel. Pour le camp Tshisekedi, le Président sortant doit rempiler. Ce n’est pas négociable et ce n’est pas Kamerhe qui l’en empêchera.

Fin politique, Vital Kamerhe assure un service minimum strict envers le Chef de l’Etat. En même temps, il fait distiller sa vraie démarche politique par ses communicants interposés. Des revendications qui s’apparentent à des chantages sont débitées lors des prestations à la presse.

Le camp Tshisekedi doit intégrer qu’en 2023, Kamerhe ne battra pas campagne pour Félix-Antoine Tshisekedi. A une année des élections il ne l’a pas fait dans sa tournée Amani. Il ne le fera pas non plus en pleine année électorale. Il sait qu’il ne pourra rien gagner après.

La grande question est celle de savoir s’il va traverser pour rejoindre l’ancien président Joseph Kabila ou le très populaire, mais versatile, ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe.

Quoi qu’il en soit, de retour dans la capitale depuis une semaine au terme de sa tournée «Amani» qui l’a successivement conduit au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema et à la Tshopo, Vital Kamerhe attend toujours d’être reçu par le Président de la République à qui, selon ses dires, il réserve la primeur de son rapport.

En réalité, la tournée du leader l’UNC n’a pas rapporté les résultats escomptés, malgré une campagne médiatique qui s’est employée à occulter les véritables enjeux et les attentes des populations de Goma à Kisangani, en passant par Uvira, Mwenga, Kindu, Beni, Butembo et autres Kindu et Bukavu.

Le caractère mitigé de l’accueil qui lui a été réservé dans certaines localités où certains membres de sa délégation n’étaient pas le bienvenu, tout comme les huées qui couvraient ses discours, ont jeté une ombre sur ses bonnes intentions.

Ainsi, on a entendu des foules réclamer la restitution des fonds destinés à la réfection des routes, mais qui ne sont jamais arrivés à destination.
Mais le plus dur restait à venir. C’est à Kinshasa en effet que le proche avenir politique de Vital Kamerhe se joue. Dans les milieux du pouvoir en général, et de l’UDPS, en particulier, il lui est reproché d’avoir mis un accent particulier sur son plan de sortie de crise basé sur sa théorie de « l’œil du cyclone au centre d’un triangle ».

L’approche prônée par le président de l’UNC préconise un dialogue « franc » entre les pays impliqués (RDC, Rwanda, Ouganda) formant les angles du triangle dont le M23 occuperait le centre.

Dans les cercles proches du Chef de l’Etat, la démarche est accueillie avec stupeur. L’on fait remarquer que ce type de rencontres s’est déjà déroulé à Luanda, Nairobi et récemment à New York, sous l’égide du président français Emmanuel Macron, sans que des retombées substantielles ne soient enregistrées du fait de la duplicité du président rwandais Paul Kagame

Dans l’entourage du Président de la République, l’on s’étonne que Kamerhe, parti en tournée avec le quitus de Félix Tshisekedi qui l’a fait libérer de prison où il purgeait une peine de 13 ans fermes, se soit employé à faire sa propre campagne. Sur les sites de ses meetings, aucune effigie du Chef de l’Etat, ni les emblèmes de l’UDPS n’étaient visibles. Les cadres du parti présidentiel n’étaient ni invités, encore moins associés.

Il n’a fait aucune allusion aux programmes présidentiels (développement de 145 territoires, gratuité de l’enseignement de base, couverture de santé universelle…).

Trahison et dénigrements

En revanche, soutient-on à la 10è Rue Limete, il a dénigré sournoisement les efforts du Gouvernement dans la réhabilitation des infrastructures. Ainsi le 26 septembre à Kindu, il interrogeait la foule : «Comment se fait-il que la ville de Kindu, le chef-lieu de la province du Maniema ne soit pas reliée à Kasongo, Kabambare, Pangi, Punia et Lubutu ? ».

Ou encore : «Regardez Mbuji-Mayi, capitale mondiale du diamant. Allez-y voir Mbuji-Mayi; c’est pitoyable. Kindu dépasse Mbuji-Mayi en termes d’infrastructures. Je vous dis la vérité : Kindu, c’est comme Kinshasa ! »

A l’UDPS, on jure que ces «affronts » ne resteront pas sans conséquence. Bien plus, le fait qu’à l’étape de Bukavu, Vital Kamerhe se soit affiché avec Norbert Bashe-ngezi Katintima, présenté comme le parrain de sa tournée, n’est pas passé inaperçu.

D’aucuns y voient même une trahison.

En effet, l’ancien vice-président de la CENI, sous l’administration Corneille Nangaa, et l’un des notables de Bukavu, est donné pour l’un des fidèles parmi les fidèles de l’ancien président Joseph Kabila.

De là à envisager une alliance en gestation entre ce dernier et Vital Kamerhe, il n’y a qu’un pas que les radicaux tshisekedistes franchissent allègrement, plantant du coup le dernier clou dans le cercueil de l’ambition du président de l’UNC d’accéder un jour à la Primature.

Revenir à l’Accord de Nairobi sinon…

Outre les dissensions qui se dessinent entre les deux alliés de l’Accord de Nairobi, Kamerhe doit faire face à de fortes pressions venues de son propre camp. Pressentant les jours sombres qui se profilent à l’horizon, des cadres de l’UNC exigent l’accession de leur leader à la tête du Gouvernement. Au cas contraire, ils demanderaient à Kamerhe de dénoncer, dans un premier temps, l’Accord électoral de la capitale kenyane et, par la suite, se déclarer candidat à la présidentielle de 2023.

«Nous en avons marre de toujours jouer le second rôle ! », s’indigne l’un d’eux, avant d’ajouter : «C’est la seule voie qui nous reste car nos partenaires ne semblent pas disposés à appliquer la disposition de l’Accord qui stipulait que Tshisekedi s’effacerait à la présidentielle de 2023 au profit de notre leader. Dès lors, je ne vois aucun intérêt à poursuivre notre alliance politique avec l’UDPS».

En attendant l’audience qu’on imagine orageuse que devrait lui accorder le Chef de l’Etat au cours des jours ou semaines à venir, le président de l’UNC doit déployer des stratégies sur deux fronts. D’une part, harmoniser avec les modérés de l’UDPS disposés à l’écouter, et d’autre part, essayer d’amadouer ses partisans et jouer la carte du temps.

A tout prendre, les communications de l’UNC consacrent l’éloignement de Vital Kamerhe. Tout lecteur averti se rend facilement compte de la tangente prise par le fils de Walungu. Il n’est plus en communion avec le Président de la République. La fin de l’idylle est proche.
Kamerhe sait jusqu’où il ira. Il sait aussi comment il procédera dans les prochains jours. Il ne joue pas sans calcul.

Le calibrage des communications de l’UNC, son parti politique, et ses discours lors des meetings, donnent la position de cet ancien directeur de cabinet du Chef de l’Etat.

A quelques mois de l’échéance électorale de décembre 2023, Kamerhe s’éloigne de plus en plus de Tshisekedi. Le premier pas vient d’être consacré avec sa tournée «Amani»./mediascongo.net

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