Siégeant en chambre de conseil en pourvoi en cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation a décidé, souverainement, d’accorder la liberté provisoire au Sieur Vital KAMERHE moyennant une caution de 500.000 dollars américains.
Cette actualité judiciaire a intéressé beaucoup de congolais, plus singulièrement les juristes dont notamment le Professeur Ordinaire Eddy Mwanzo que je viens de lire sa brillante plume à ce propos.
Sans pour autant revenir dans des petites notions, qui du reste sont bien élucidées dans notre publication du 17 avril 2020 et postée dans notre mur, nous avons l’agréable devoir d’éclairer la lanterne de ceux qui veulent savoir si un condamné peut bénéficier d’une liberté provisoire, en se situant sur le cas de Vital KAMERHE et en évoquant sûrement, d’autres cas pouvant advenir dans des juridictions autres que la Cour de cassation.
II. De la liberté provisoire accordée à Vital Kamerhe
La Cour de cassation n’a violé aucun texte juridique procédural pour la simple raison que, la liberté provisoire peut être accordée à un inculpé (devant le parquet) et à un prévenu ( devant les juges du premier et second degré ainsi que devant le juge de la cassation). Il ne faut pas perdre de vue qu’en droit de procédure pénale, la liberté est la règle, tandis que la détention en est l’exception.
Vital Kamerhe ayant sollicité la liberté provisoire au TGI et à la Cour d’appel, celle-ci ne lui a pas été accordée.
En effet, au niveau de la Cour de cassation, la loi n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, particulièrement en son article 47 alinéa 5em prévoit que : ….le condamné qui se trouve en état de détention préventive où dont l’arrestation a été ordonnée par la juridiction d’appel ou par le Ministère public près cette juridiction peut introduire, devant la Cour de cassation, une requête de mise en liberté où de mise en liberté provisoire, avec ou sans cautionnement.
L’alinéa 7em de cette disposition légale nous renvoie aux dispositions des articles 45 et 47 du décret du 06 août 1959 portant code de procédure pénale tel que modifié et complété à ce jour.
Aux termes de l’article 45 alinéa 2 dudit décret, le prévenu incarcéré peut demander au tribunal saisi, soit la mainlevée de la détention préventive, soit sa mise en liberté provisoire…
Si le tribunal accorde la liberté provisoire, les dispositions de l’article 32 (la liberté provisoire est accordée à charge pour l’inculpé de ne pas entraver l’instruction et de ne pas occasionner de scandale par sa conduite…) s’applique, prévoit l’alinéa 4em de l’article 46 sous examen.
Par contre, la personne qui a bénéficié de la liberté provisoire qui manque aux charges qui lui ont été imposées par la juridiction saisie de la poursuite, peut être incarcérée par l’Officier du Ministère public conformément à l’article 47 alinéa 1er.
Ne perdons pas de vue qu’en matière répressive et contrairement en matière de droit privé, le délai et l’exercice du pourvoi sont suspensifs de l’exécution de la décision à l’égard de toutes les parties suivant l’article 47 alinéa 1er. Conséquemment, lorsqu’une décision est suspendue, la personne condamnée reste moins à l’état lui placé par le juge (détention où acquittement).
Eu égard aux dispositions légales et impératives sus-évoquées, la liberté provisoire accordée à Vital Kamerhe est conforme et suffisamment justifiable en droit procédural congolais.
Pour clore ce point, il est logique de comprendre qu’une personne condamnée mais dont le jugement ou arrêt n’est pas coulé en force des choses jugées (non susceptible des voies de recours), peut bénéficier de la liberté provisoire au degré d’appel ou devant la Cour de cassation.
III. Les condamnés des juridictions inférieures peuvent bénéficier de la liberté devant ces dernières ?
La réponse est affirmative.
Nombreux juristes ignorent qu’une juridiction (Tripaix, TGI, Cour d’appel) qui prononce le jugement de condamnation, peut accorder à une personne la liberté provisoire. Quel en est la base juridique ?
Aux termes de l’article 85 alinéa 3 du décret du du 06 août 1959 portant code de procédure pénale tel que modifié et complété à ce jour, tout en ordonnant l’arrestation immédiate, le tribunal peut ordonner que le condamné, s’il le demande, sera néanmoins mis en liberté provisoire sous les mêmes conditions et charge que celles prévues à l’article 32, jusqu’au jour où le jugement aura acquis force de chose jugée.
Dans cette hypothèse, le condamné peut verser une caution et peut être incarcéré par le Ministère public lorsqu’il manque aux charges qui lui ont été imposées.
IV. La liberté provisoire d’un condamné signifie-t-elle une liberté conditionnelle ou condamnation conditionnelle ?
Les trois notions précédemment évoquées créent inéluctablement des confusions pour leur compréhension : la liberté provisoire, la liberté conditionnelle et la condamnation conditionnelle.
1. Prévue à l’article 42 du décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété par la loi n°15/022 du 31 décembre 2015, la condamnation conditionnelle ou le sursis, est un mécanisme légal qui consiste pour le juge lorsqu’il prononce une peine de servitude pénale inférieure à 12 mois et que le prévenu n’ait jamais été condamné précédemment pour une autre peine de servitude pénale principale d’ordonner le sursis (suspension) à l’exécution de la décision de condamnation. Clairement, la personne est condamnée mais elle ne va pas purger sa peine en prison.
Bref, la condamnation conditionnelle est prononcée par le juge de fond (elle est judiciaire comme liberté provisoire).
2. La liberté conditionnelle ou libération conditionnelle est une mesure légale et administrative qui permet à une personne déjà condamnée et ayant purgé le quart de ces peines de bénéficier d’une liberté sous conditions suivant l’esprit des articles 35 et suivants du décret du 30 janvier 1940.
Ici, il faut que la décision de condamnation soit coulée en force de chose jugée et que ladite liberté soit accordée par le Ministre de la justice pour les condamnés des juridictions civiles après avis du Procureur général près la cour de cassation ou par le Ministre de la défense nationale pour les condamnés des juridictions militaires après avis de l’Auditeur Général des FARDC (mesure administrative et non judiciaire).
3. La liberté provisoire est accordée soit par le Ministère public dans la phase pré juridictionnelle, soit par le juge en chambre de conseil ou encore par ce dernier saisi au fond.
V. Péroraison
Dans les lignes qui précèdent, nous avons répondu à la question de savoir si une personne condamnée peut bénéficier de la liberté provisoire, la réponse a été affirmative.
En même temps, nous non seulement affirmé que la mise en liberté provisoire de Vital Kamerhe par la Cour de cassation est légale et régulière, mais aussi, il a été de notre devoir de s’appesantir sur le distinguo qui existe entre la liberté provisoire, la liberté conditionnelle et la condamnation conditionnelle ou sursis.
Bref, Vital Kamerhe est justement en liberté provisoire et non en liberté conditionnelle car la décision le condamnant au degré d’appel n’est pas coulée en force de chose jugée. D’ailleurs, il est actuellement en cassation. La Cour de cassation va examiner son pourvoi en regardant si la loi a été ou non respectée devant les juridictions ayant condamné Vital Kamerhe.
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