Des informations ont fuité depuis l’Hôtel Fleuve Congo de Kinshasa où se tenaient depuis deux semaines les travaux de la commission spéciale chargée de l’évaluation des candidatures des délégués à la CENI.
D’après les indiscrétions recoupées sur place samedi soir, la commission pilotée par le professeur André Mbata a réuni ses conclusions pour consacrer comme prévu par le groupe de 6, le candidat Denis Kadima Kazadi comme président de la CENI.
Ni les membres de la commission, ni l’ordre de mission lui attribuant la tâche selon loi, n’ont été communiqués jusqu’à ce jour à la communauté nationale pour en savoir un peu plus sur la nature, le format et la composition réelle de la commission que pilote le constitutionnaliste André Mbata, président de la commission administrative et judiciaire (PAJ) de l’Assemblée nationale. Si la commission comprend des représentants de l’UDPS (André Mbata), du MLC (Jacques NDJOLI) et de l’AFDC, rien n’indique la présence d’autres composantes de l’Union Sacrée telles que l’UNC de Vital Kamerhe et Ensemble pour le Changement de Moïse Katumbi Chapwe. Nos sources ne confirment, n’infirment la présence des délégués du FCC/Aile Union sacrée ( trop de mécontents), ce qui devrait inquiéter plus d’une personne et reposer la question de la régularité légale de ladite commission.
Du côté de l’opposition, rien n’a changé. Le Front commun pour le Congo ne désignera des délégués à la CENI qu’après avoir reçu des assurances d’indépendance et de crédibilité du candidat président qui viendra des confessions religieuses. Même lecture ou presque du côté de Lamuka qui campe idéalement sur sa position de réformer de nouveau la Loi organique de la CENI pour une totale dépolitisation de cet organe de gestion des élections de la RDC.
C’est donc très douloureusement que ces travaux amputés de l’essentiel de ses membres viennent de produire un rapport. Reste à savoir quelles sont les valeurs juridiques, légales et constitutionnelles dudit rapport, surtout qu’il s’est fait élaborer par deux constitutionnalistes de grande réputation nationale.
Pour le groupe de Mbata, Kadima reste seul maître à bord
Le dossier CENI a cessé d’être une question de la seule plateforme des confessions religieuses. Il a désormais atteint le deuxième palier de son traitement politique qui appelle l’arbitrage à la fois des membres de la commission spéciale, du bureau de la chambre basse du Parlement et de la plénière de l’Assemblée nationale. Or, il n’est un secret pour personne que le président de l’Assemblée nationale avait déjà annoncé ses couleurs dans cet épineux dossier. Sans mettre des gants, Christophe MBOSO avait prévenu que son institution irait de l’avant et ne tiendrait aucunement compte de l’opposition (FCC et Lamuka), de la majorité (Ensemble et UNC), de deux grandes confessions religieuses traditionnelles de la RDC (catholique et protestante ) et moins encore d’une frange de la société civile qui insiste sur l’urgence d’un consensus préalable à l’investiture des nouveaux animateurs de la CENI. Mboso est donc un homme pressé. Il a hâte de lire le rapport irrégulier de sa commission pour ensuite passer à la phase du forcing programmé.
Il sera question de rappeler aux députés qu’ils ont la responsabilité d’accompagner le chef de l’Etat en facilitant l’adoption des lois et des résolutions qui le mettent à l’aise dans sa gouvernance afin de réussir son mandat. En cas de résistance, tout le monde sait que le speaker de la Chambre basse pourrait procéder par les pratiques dont il s’est illustré tout récemment : n’accorder la parole qu’aux députés loyaux et arracher, pire, couper le micro à toutes les voix discordantes pourvu que les listes des candidats décriés soient entérinées par tous les moyens. Ce schéma dangereux ne semble nullement gêner le bureau de l’Assemblée nationale.
Simon Kimbangu, la goutte d’eau de trop
Pour le journaliste Yves Buya de C-News reconnu proche de Lamuka, la sortie médiatique du chef spirituel de l’Eglise Kimbanguiste le 22 août 2021 est la preuve que le candidat Denis Kadima roulerait pour le régime Tshisekedi. Intervenant dans l’émission «Club 50» de Jean-Marie Kassamba samedi 28 août, l’homme de « toilettage technique » a fait savoir que « tout le monde cherchait la preuve tangible de l’appartenance politique de Denis Kadima au pouvoir. Avec la sortie médiatique de Simon Kimbangu, il est désormais établi que Kadima est le candidat du pouvoir « . Son argumentaire s’accentue en revenant sur le rôle joué par Kadima à la présidence la République en 2019 à travers le Mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba. D’autres acteurs politiques de l’opposition soutiennent qu’il y aurait eu des tournées internationales de Denis Kadima en appui à la diplomatie du président de la République. S’il est vrai que depuis sa création, l’Eglise Kimbanguiste n’a jamais gourmandé aucun pouvoir, il reste tout autant vrai que le chef spirituel des Kimbanguiste a toujours répété à qui veut l’entendre que son église soutient toujours le pouvoir. Ces évidences viennent conforter la thèse d’une proximité suspecte de monsieur Kadima avec le régime Tshisekedi.
Kadima : un départ turbulent du processus électoral
Certains experts électoraux actifs à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) disent craindre un décollage turbulent du processus électoral avec le risque que le nouveau leadership électoral soit confronté immédiatement après son investiture à une vague de contestation et blocages avec la conséquence de tuer le temps nécessaire à l’entame des activités préparatoires des élections. Pour eux, «si Kadima passe par forcing à l’Assemblée nationale, sans le soutien des catholiques, sans le soutien de l’ECC, sans le soutien de l’opposition et de quelques plateformes politiques de l’Union sacrée, il faut prévoir la remise à zéro du processus de désignation des membres de la CENI». La même expérience a été vécue par l’Abbé Apollinaire Malumalu en 2013 lorsque l’Église catholique lui avait tourné le dos en lançant une fatwa à la CENI interdisant tout message, affiche, image ou communication sur les élections dans les églises, paroisses, écoles et même les familles chrétiennes d’obédience catholique. En outre, ce sont les infrastructures de l’Église catholique qui sont majoritairement utilisées pour abriter les bureaux de vote et de dépouillement des scrutins électoraux en RDC. Leurs écoles et paroisses servent régulièrement de cadre aux activités électorales sur plus de 80% du territoire national. Avec Kadima, la CENI se verrait privée d’un partenaire incontournable dans l’opérationnalisation du processus électoral étant donné que les six autres confessions religieuses ne représentent pas grand-chose en termes d’infrastructures disséminées sur l’ensemble du territoire national.
Avec ce tableau, Denis Kadima serait donc un administrateur des élections contesté par la plupart des acteurs de terrain, ce qui pourrait handicaper son action et fragiliser brillamment son leadership.
Fatshi comme dernier rempart
Si Mboso avalisait le forcing déclenché en amont par le professeur André Mbata, il mettrait le président de la République dans une posture délicate d’un choix cornélien entre la validation du forcing avec son cortège des malheurs et des contestations dont on connait l’issue et la réunion des huit confessions religieuses pour un dernier round des discussions bien loin des influences politiques et des pesanteurs géopoliques. En cas d’une investiture brutale, le président corroborerait la thèse selon laquelle c’est bel et bien lui qui était à la manœuvre depuis le début et qu’il avait préparé son candidat longtemps auparavant quitte à le faire passer par un simulacre de processus de désignation bien planifié. Ceci pourrait replonger le pays dans une crise incertaine dont les conséquences peuvent être facilement imaginées ; cassure de la coalition au pouvoir, requalification de la majorité dont on n’est pas sûr qu’elle reviendrait au Chef de l’Etat, relance du processus de désignation des membres de la CENI ; une nouvelle année sacrifiée dans la mise en place de la CENI etc. Au cas où le président irait dans le sens annoncé par ses conseillers en communication (Kasongo Mwema et Erick Nyindu), c’est-à-dire, la recherche effrénée du consensus et la consultation de toute la classe politique et sociale, il pourrait demander aux deux tendances de se convenir sur un candidat beaucoup moins problématique qui rassurerait tout le monde, y compris la classe politique. Ce dernier schéma pourrait décanter raisonnablement la crise, étant donné que le monde entier nous observe sur cette grande question avec un focus sur les élections générales de 2023.
Ouragan via Acturdc.com