Excellence Monsieur le Président.
Votre accession à la magistrature suprême de notre mère-Patrie a été sujette à plusieurs controverses. Les unes étaient et demeurent fondées. Les autres ne relevaient que de l’imaginaire de vos détracteurs. Qu’à cela ne tienne, très vite les différentes composantes et forces vives de notre peuple, s’étaient résolues de vous soutenir dans l’exercice de votre noble et éprouvante mission car convaincues que les dissensions prolongées ne seraient pas favorables à l’éclosion du Congo nouveau que tous attendaient très impatiemment. Elles ont décidé de vous soutenir car le peuple s’est reconnu en vous, un Congolais de sang, de couleur, de condition et de culture. Elles ont cru qu’étant foncièrement, radicalement et absolument congolais, connaissant les maux et les peines de notre peuple, particulièrement les tragédies et les massacres de l’Est, vous ferez du bien-être de la nation votre absolue priorité.
Cependant, très Chers Président, je me vois dans l’obligation de vous affirmer sans la moindre peur d’être contredit que les espoirs que vos premiers pas avaient suscités n’ont pas de communes mesures avec les immenses et profondes inquiétudes que votre gouvernance fait naître quotidiennement dans les cœurs des congolaises et congolais: la misère du peuple a atteint des proportions ineffables et la pauvreté a dépassé les bornes de l’inimaginable. Les biens de première nécessité dont la jouissance est constitutionnelle sont devenus presque inexistants au Congo. Je ne cite que l’eau potable et l’électricité. L’assurance qualité de l’éducation a été sacrifiée par la gratuité idéologique, populiste et mal planifiée. La justice est devenue plus que théâtrale et instrumentalisée. Le peuple baigne dans l’amertume et l’angoisse aggravée. Les valeurs républicaines de probité, d’honorabilité et d’excellence dans la conduite des affaires de l’Etat ont laissé place à l’immoralité institutionnalisée, à la corruption officialisée, aux détournements spectaculaires, à l’amateurisme, au tribalisme et toutes les basses et honteuses pratiques susceptibles de détruire le fragile héritage nous Légué par nos pères fondateurs : LUMUMBA, le Cardinal MALULA, Simon Kimbangu et tous ces valeureux anonymes morts pour la liberté et la dignité de notre Peuple.
La plus scandaleuse et la plus criante de toutes les misères est le génocide en cours à l’Est de notre Pays. L’Est du Congo, Terre de LUMUMBA, Terre de MALULA, Terre de KIMBANGU est devenu une boucherie humaine à ciel ouvert. Nos mamans et nos sœurs se font décapitées, éventrées et morcelées comme du bétail. Les enfants qui ont miraculeusement échappé à se faire extraire sauvagement des ventres de leurs mamans, naissent dans des conditions les plus inhumaines avec toutes les chances de finir leurs misérables et courts séjours terrestres écrasés contre une grosse pierre, broyés par un mortier ou simplement découpés comme des cochons.
Cher Président, vous en êtes, tous les jours, informé. Mais, le peuple ne constate aucune entreprise patriotique, convaincante et sérieuse qui serait suivie d’effets préventifs, curatifs et dissuasifs afin que nos compatriotes arrivent un jour à dormir sur leurs deux oreilles. Visiblement, vous n’accordez pas d’importance à l’application du rapport Mapping. Pourtant, la création du tribunal spécial que ce rapport préconise devrait vous préoccuper pour que justice soit enfin rendue à nos morts et que les vivants se sentent sécurisés par une machine judiciaire promotrice du droit. Par contre, votre inaction et votre silence tuent d’une seconde mort les millions de congolais tombés et menacent, en même temps, la quiétude des vivants et la vie de toute la nation. Votre silence et votre inaction non seulement nous scandalisent mais aussi vous rendent pleinement complice et responsable du génocide en cours.
Cher Président, je clos ma correspondance en vous confessant ma foi pour le Congo. Je reste convaincu que le Congo se relèvera. Il se redressera et recouvrira sa grandeur et son importance dans les concerts de nations. Notre peuple prospérera et sera de nouveau respecté et considéré. Et, si vous voulez apporter votre contribution à la réalisation de ce rêve de gloire, veuillez respecter et faire respecter la sacré constitution et les lois de la République.
Abbé Serge MALEKA
Actualite.cd/acturdc.com