le 26 avril, Florent Ibenge a échappé au piège qui se refermait sur les expatriés en séjour au Soudan suite au déclenchement de la guerre civile. Pour l’ancien coach de Vita, les évènements se sont vite révélés « horrible » entre vie de sa fille en danger et incertitude lors de l’évacuation. Récit d’une mort aux trousses.
Logé dans la capitale soudanaise, Florent Ibenge profitait de la vie tranquille sous la sécurité du palais présidentiel dans son quartier, entre le palais et l’aéroport. Cependant, lorsque les hostilités ont commencé, c’est bien dans son quartier que les tirs ont été entendus en premier. « Nous entendions des coups de feu… J’étais incrédule », a raconté, depuis Paris, M. Ibenge à la BBC.
Coincé chez lui, il s’inquiète notamment pour sa fille, âgée de 14 ans, sortie pour suivre ses cours de natation dans la matinée du samedi 15 avril, le jour où l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane a accusé les paramilitaires, général rival Mohammed Hamdan Daglo, ayant pris le contrôle de l’aéroport international, d’avoir attaqué des bases dans tout le pays.
De chez lui, Ibenge voit « l’armée de l’air se diriger vers l’aéroport. C’était horrible parce que vous ne pouvez pas bouger, vous ne pouvez pas aller chercher votre fille », déclare-t-il. Il attendra encore une longue semaine avant de la retrouver lors de l’évacuation de ressortissants français sur le territoire soudanais.
Deux jours avant l’opération d’évacuation des expatriés français, sa fille, qui se trouvait encore à l’hôtel où elle s’entraînait à la natation, a embarqué à bord d’une jeep militaire, au cœur d’une ville de Khartoum en feu et à sang, en direction de l’ambassade de France. « C’était un grand soulagement » de la revoir, « jusqu’à ce qu’on se rende compte que les avions de l’armée de l’air auraient pu ouvrir le feu sur cette jeep. Alors là, c’est horrible. »
Ibenge « mis à l’épreuve »
La BBC raconte que dès que l’entraîneur d’Al Hilal s’est rassuré pour sa fille, c’est à son staff et à ses joueurs, dont plusieurs internationaux congolais, dont Glody Lilepo, Fabrice Ngoma, etc. qu’il a pensés.
Il a « réussi à faire sortir mon entraîneur adjoint de gardiens de but de la zone » avant d’aider un couple de Burundais qui a contacté son épouse « pour lui demander s’ils pouvaient venir chez nous parce que des combattants étaient entrés dans leur maison », a-t-il raconté.
« Ils avaient forcé l’entrée de sa maison, pistolet sur la tempe, alors qu’il était avec sa femme et son bébé de quatre mois. C’était horrible. Ils sont restés là pendant trois jours avant de pouvoir s’échapper. » Le couple Ibenge a secouru leur homologue du Burundi immédiatement. « Quand il est arrivé, il ne s’est même pas assis, il est resté affalé pendant des heures. C’était vraiment horrible ».Sauvés par le calendrier
Glody Lilepo et ses coéquipiers ont passé la nuit dans l’enceinte du stade d’Omdurman, comme révélé par FootRDC au début du conflit, en attendant leur second match du weekend. Une chance.
« Le plus difficile est de trouver les mots pour que tout le monde reste positif » affirme Ibenge.
Évacué du Soudan, il assure que tout le monde a contribué à l’effort pour aider les joueurs à sortir du piège qui risquait de se refermer sur eux.
« On m’a demandé si je pouvais aider à trouver des bus pour transporter tout le monde au point d’évacuation. On nous a dit que c’était pour Port-Soudan mais à la dernière minute, ils nous ont redirigés vers l’aéroport militaire ». Ils ont ensuite reçu une escorte de RSF pour sortir vers le point d’évacuation.
Ibenge et les siens ont alors passé deux jours à Djibouti avant de rallier Paris. « Nous sommes toujours inquiets pour tous ceux que nous avons laissés derrière nous. À commencer par mes joueurs et tous les Soudanais, qui sont des gens très sympathiques » a ajouté Ibenge dans sa discussion avec la BBC.
« Ne pas baisser les bras »
Selon le média britannique, les joueurs étrangers du club ont tous réussi à quitter Khartoum, la grande partie était maintenant à la frontière égyptienne, attendant des visas. Le gouvernement congolais via le ministère des Sports a annoncé « venir au secours des joueurs congolais » et ils pourraient rallier l’Égypte lundi.
« Dès qu’ils arriveront de l’autre côté, je les rejoindrai avec mes assistants au Caire. Nous y établirons un camp », a promis Florent Ibenge, qui reste en contact permanent avec ses joueurs.
« Nous pratiquons un sport collectif et parfois la thérapie vient du fait d’être en groupe. Cela peut être une thérapie pour nous tous de nous réunir et de faire ce que nous aimons » croit le technicien congolais. Malgré la recomposition de son groupe lors des prochaines échéances, Ibenge reste positif. « J’ai vécu cela pendant sept jours. D’autres, en République démocratique du Congo (ndlr : d’où il est originaire), ont vécu cela pendant des décennies. Il ne faut jamais baisser les bras. Il y a toujours des jours meilleurs. »
Il faudra rester patient pour cela. Jusqu’au dimanche 7 mai, trois semaines après le déclenchement de la guerre, les combats n’ont toujours pas cessé au Soudan. Les émissaires de l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général rival Mohammed Hamdan Daglo sont en négociations pour un cessez-le-feu, menées sous l’égide de Riyad et de Washington, en Arabie saoudite depuis samedi selon Le Monde./footrdc