Retrait du M23 : « Le Kenya dispose d’un pouvoir de persuasion », dit Onesphore Sematumba

Après cinq jours d’accalmie, les combats ont repris hier, au Nord-Kivu, entre l’armée congolaise et les rebelles du M23. Comment obliger ces rebelles à se retirer des territoires qu’ils occupent, comme le demandent officiellement tous les pays de la sous-région ? Et comment convaincre le président Kagame que ce retrait du M23 serait la meilleure solution pour le Rwanda ? Onesphore Sematumba, analyste pour la région des Grands Lacs pour International Crisis Group répond aux questions en ligne de Goma.

RFI : Le sommet du 23 novembre à Luanda a échoué, la preuve, la reprise des combats dans le Nord-Kivu après quelques jours d’accalmie. Pourquoi cet échec ?

Onesphore Sematumba : C’est un peu la quadrature du cercle, parce que, voyez-vous, le M23 insiste mordicus pour avoir des négociations directes avec Kinshasa. Alors que Kinshasa, qui a déjà désigné le M23 comme groupe terroriste, ne veut même pas l’avoir autour de la table. Je pense qu’il faudra des efforts diplomatiques dans la région pour amener les deux parties à mettre un peu d’eau dans leur vin et trouver une façon de faire que le M23, qui de toute façon fait partie du problème, puisse être aussi partie à la solution.

Et dans votre document de ce mercredi 30 novembre, vous dites que, si le M23 commençait à se retirer du terrain conquis, peut-être Kinshasa pourrait accepter le retour de ce mouvement rebelle à la table des négociations…

Oui, mais il faudra aboutir à une formule qui ne soit pas humiliante pour le gouvernement de Kinshasa, parce que justement l’opinion politique ne pardonnerait pas que Kinshasa ait l’air de capituler. Et nous croyons à International Crisis Group (ICG) que le Kenya pourrait jouer un rôle pour trouver une solution politique à cette épineuse question de retrait ou non retrait.

C’est-à-dire qu’en cette période de pré-campagne électorale, Kinshasa n’est pas portée au compromis. Pourquoi pensez-vous que le Kenya est le pays de la sous-région le mieux indiqué pour faire médiation entre la RDC, le M23 et bien sûr le Rwanda ?

Le Kenya n’a pas de frontière avec l’est du Congo, et donc n’a pas de lien avec l’un ou l’autre groupe armé. Donc, il a cette casquette de neutralité. Ça, c’est un atout extrêmement important. L’autre atout, c’est que, peut-être à cause de cela, le Kenya entretient de bonnes relations avec Kigali et d’excellentes relations avec le président Tshisekedi à Kinshasa.

Et que répondez-vous à l’opposant congolais Martin Fayulu, qui dit que le Kenya n’est pas vraiment neutre, car il aurait des intérêts économiques forts dans l’exploitation à venir du Nord et du Sud-Kivu ?

Je ne veux pas commenter les propos de Martin Fayulu. Bon, de toute façon, Martin Fayulu, il est sur une ligne dure. Par exemple, lui, il est pour le retrait pur et simple de la RDC de la Communauté est-africaine (EAC), il propose que le président Tshisekedi soit traduit en justice pour haute trahison parce qu’il a fait entrer le pays dans cette organisation. Donc là, je pense que ça relève quelque part de la posture politique.

Et quels sont à votre avis les moyens de pression ou de persuasion dont dispose le Kenya pour convaincre le président rwandais Paul Kagame de retirer ce que la communauté internationale appelle son soutien militaire aux rebelles du M23 ?

Je pense que le Kenya dispose d’un pouvoir de persuasion en tant que membre influent de l’East African Community [Communauté est-africaine, NDLR], c’est quand même le pays le plus fort sur le plan économique. Et le Rwanda, c’est un pays complètement enclavé qui dépend, pour ses importations et pour ses exportations, des ports d’autres pays, notamment le port kenyan de Mombasa au Kenya, et le port tanzanien de Dar es Salaam.

Donc si tous les pays de l’East African Community sont d’accord [sur le principe] que le Rwanda devrait faire plus pour freiner l’ardeur du M23, et que, si cela n’était pas le cas, ils pourraient menacer le Rwanda de se trouver isolé au sein de l’East African Community, je pense que c’est un argument qui devrait parler aux Rwandais et au premier d’entre eux, le président Kagame./mediascongo.net

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