Il est daté d’août 2021 mais les députés congolais n’en ont eu connaissance qu’à la fin septembre avant qu’il ne « fuite » ce week-end auprès de certains médias, dont La Libre Afrique.be. Le rapport de synthèse de la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée nationale évaluant l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu après trois mois d’application (cinq aujourd’hui) vaut son pesant de papier.
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Après avoir entendu les ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice, des Finances et du Budget, ainsi que le chef d’Etat-major de l’armée et les gouverneurs militaires des deux provinces, les rapporteurs de la Commission parlementaire soulignent que l’insécurité dans ces provinces de l’est dure « depuis près de 30 ans » et que non seulement ni les opérations militaires congolaises, ni la Monusco n’ont réussi à l’enrayer mais que, au contraire, le nombre de groupes armés s’y élève aujourd’hui à « presque 150 »!
Le rapport long de 48 pages résume les différentes auditions et précise recommandations et résolutions.
Il conclut par deux résolutions « urgentes »: solliciter « une restructuration profonde et un renouvellement de la chaîne de commandement militaire » et solliciter le « renouvellement de la chaîne de commandement à tous les niveaux (stratégique mais aussi opérationnel et tactiques) » dans les deux provinces.
A côté de ces deux urgences, les membres de la Commission en relèvent d’autres:
– diligenter une mission d’enquête à Kinshasa « pour la traçabilité des fonds alloués à l’état de siège, aux forces armées, à la police et aux services de sécurité, fonds consommés à 68% par les différents états-majors à Kinshasa »;
– exiger du gouvernement « un plan de sortie de l’état de siège avant la demande d’autorisation de la 9ème prorogation » de celui-ci;
– créer une commission spéciale de suivi.
Les « faiblesses » des autorités congolaises
Dans le texte, nous relevons aussi les « faiblesses » répertoriées par les rapporteurs, notamment:
– dans le chef du gouvernement: le « déficit » en « synergie et coordination des ministères et services publics » concernés par l’état de siège, « chacun semblant évoluer indépendamment les uns des autres »;
– dans le chef du ministère de la Défense: l’ »insuffisance et l’inadaptation » des moyens octroyés pour mener une guerre asymétrique (NDLR: entre une armée régulière et des groupes armés irréguliers); le portage du ravitaillement des militaires à… dos d’homme; des opérations militaires insuffisamment planifiées; des effectifs fictifs; l’ »insuffisance » et le « vieillissement » des militaires; « la complicité de certains policiers avec l’ennemi »; l’ »affairisme de certaines autorités civiles, policières et militaires qui s’adonnent à l’exploitation des ressources naturelles »; l’utilisation indue de policiers et militaires pour garder des sites miniers; le détournement de fonds; la « corruption des magistrats militaires »; les tracasseries nées de l’état de siège (barrages routiers et création de taxes illégales dites « taxes de l’état de siège »); la marginalisation des députés provinciaux par les autorités politico-militaires et leur absence de collaboration avec les communautés locales;
– dans le chef du ministère de l’Intérieur: le manque de fonds réservés à l’ANR (Agence nationale de Renseignement) et de formation de ses agents, ce qui laisse « le contrôle et la mainmise » du renseignement sur le Congo aux « pays voisins »; la « facile manipulation des autorités coutumières par les semeurs de troubles et incitateurs à la violence moyennant des pourboires »; l’existence de « camps de déplacés non identifiés ».
Avoir une politique nationale
Parmi les recommandations du rapport, nous relevons celles, « globales », faites au gouvernement:
– définir une politique nationale de sécurité
– définir une « vision sécuritaire globale » autour des objectifs politiques de stabilité, reconstruction et « recouvrement de notre souveraineté à l’est »
– identifier les groupes armés et ethniques dans les deux provinces visées
– mettre rapidement en œuvre le programme DDRRC-S
– identifier systématiquement les étrangers membres des groupes armés
– organiser une aide humanitaire à la population des deux provinces
– améliorer la condition sociale du militaire, du policier et de l’agent de service
– « redéfinir globalement la politique nationale d’exploitation » des ressources naturelles et en particulier « l’exploitation minière artisanale ».
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