RDC : Les défis colossaux de Yolande Elebe, nouvelle ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine

Le gouvernement de la première ministre Judith Suminwa a été rendu public dans la nuit du 28 au 29 mai. Quant au secteur de la culture, il a été remis à Yolande Elebe Ma Ndembo, ancienne journaliste, écrivaine-poétesse, jusqu’alors commissaire générale en charge de la coopération décentralisée de la francophonie et porte-parole de l’exécutif provincial de Kinshasa.

Si sa connaissance du secteur culturel de la RDC est avérée au vu de son parcours, les défis à relever sont tout de même de taille pour la remplaçante de Catherine Kathungu Furaha. Les principaux soucis du secteur culturel sont la mise en place d’une politique culturelle, la promulgation de la loi sur le statut d’artiste et la question des droits d’auteurs.

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Les demandes des culturels 

Yolande Elebe est un choix judicieux selon plusieurs culturels qui se réjouissent, qu’enfin, une personne qui maîtrise ce secteur prend la tête de ce ministère qui, autrefois a été considéré comme parent pauvre. Bien connue dans le monde littéraire particulièrement, Yolande Elebe a soutenu plusieurs initiatives, a écrit des livres, et est, depuis 2020, l’initiatrice de l’association Femme des lettres congolaises (Felco).

A ACTUALITÉ.CD, Paul Ngoie Le Perc qui témoigne de ses luttes pour la cause culturelle avec Yolande Elebe, notamment dans le Collectif des Artistes et des Culturels (CAC), souligne que la politique culturelle reste la nécessité première même si beaucoup de choses sont à faire.

« La première des priorités à l’instar d’autres domaines en RDC qui ont des principes fondamentaux qui les déterminent, la culture souffre de l’absence de principe, d’une loi qui légifère le secteur culturel dans son entièreté, la politique culturelle. Nous devons faire en sorte de déterminer la conception de la culture en RDC. La culture doit être un ministère de souveraineté. La plupart des artistes vivent dans la précarité, leur travail n’est pas protégé alors qu’ils font un travail avec une rémunération qui devait être normale et une protection », a-t-il dit.

La gestion collective des droits d’auteur, le statut d’artiste sont autant de points qu’il a soulevés en termes de chantier pour la culture avec la nouvelle ministre. Mais pour cela, il faut une part significative du budget pour permettre le ministère de fonctionner normalement. Par la suite, Paul Le Perc estime qu’il faut se pencher sur l’effectivité de la perception de la copie privée.

« C’est un gros chantier qui permettra aux artistes, aux opérateurs culturels, aux interprètes de pouvoir bénéficier d’un fonds important qui pourra les aider dans leurs projets artistiques. Dans un pays comme la France, c’est 300 € par année, nous nous sommes à beaucoup plus que la France, on espère qu’avec tout ce qui rentre en terme d’appareil multimédia en RDC, on pourra mobiliser beaucoup de fonds. Ce qui va amener vers le financement de la culture qui pose un problème », ajoute-t-il.

La question de la priorité a été posée à quelques artistes, selon leurs secteurs, qui ont réagi sur ACTUALITÉ.CD. Tinah Way est metteure en scène et comédienne. Elle parle de la fin de la dépendance aux subventions.
« Que la ministre de la culture travaille à ce qu’il y ait plus d’appuis nationaux pour permettre aux artistes d’être indépendants dans la création parce que parfois, on est toujours obligé de s’en remettre à des subventions extérieures et ce n’est pas toujours évident d’être plus libres et exprimer clairement ce qu’on veut », a dit Tinah Way.
Horthy La Rossignol, artiste humoriste, recommande une gestion de proximité afin d’être à côté de mieux cerner les problèmes et y apporte des solutions.

« Je recommande à la ministre de la culture de savoir descendre sur terrain lors de nos spectacles voir et vivre aussi l’art en face. C’est bien d’aller toujours vers eux, c’est aussi bien qu’ils viennent aussi vers nous, voir ce qu’on fait, ce qu’on essaie de réaliser. Ensuite de nous trouver une salle gratuite, pour voir les talents évoluer, pourquoi pas nous trouver aussi un lieu de formation, à part l’Institut National des Arts qui est là, mais qui ne forme pas les humoristes. On est en manque de formation professionnelle », souligne-t-elle. 

Jean-Marie Ngaki, professeur de la critique d’art à l’Institut National des Arts, recommande la prise en compte de l’expertise de ceux qui œuvrent depuis des années dans le secteur pour mettre fin à « l’amateurisme ».

« Il faut que la ministre de la culture s’attaque aux vrais dossiers, aux vrais problèmes de ce domaine, qu’il soit à l’écoute des vrais experts. Il faut en finir avec l’amateurisme, le dilettantisme, la gesticulation. Il faut réorganiser le secteur culturel et lui donner les moyens voulus de manière à favoriser l’émergence d’une véritable industrie culturelle et créative digne de notre pays », a dit M. Ngaki.

Pour la question de la restitution des biens culturels congolais en provenance de la Belgique, Bart Ouvry, actuel Directeur Général du Musée Royal de Tervuren, expliquait à ACTUALITÉ.CD en fin avril dernier que la sortie du gouvernement était attendu pour faire évoluer le dossier dans le sens de la conclusion d’un traité bilatéral entre les deux pays.

« Je crois que nous attendons le mot d’ordre de la part du prochain gouvernement congolais. La négociation d’un tel traité prend du temps. J’avoue que moi, en tant que directeur du musée, j’attends avec une certaine impatience ce texte, mais il faut faire confiance aux diplomates qui négocient ce texte. Je sais que des contacts sont en cours et j’ai bonne confiance que dans les prochains mois, il y aura des pourparlers qui vont aboutir à un traité bilatéral entre la RDC et la Belgique », disait Bart Ouvry.

Après la prise de fonction effective, la ministre de la culture, des arts et du patrimoine, Yolande Elebe est attendue au tournant.

/actualité.cd