Le Président Félix-Antoine Tshisekedi a demandé au ministre des Infrastructures et Travaux publics de présenter, lors de la vingt-et-unième réunion du Conseil des ministre, l’état des lieux de l’exécution technique et financière des projets inscrits dans le contrat dit « Sino-congolais », et à la ministre des Mines d’en faire autant dans son secteur.
Le Président de la République justifie cette position par le fait que « la République démocratique du Congo accuse un important déficit en termes d’infrastructures. Cette réalité constitue une entrave à son développement ». Le chef de l’Etat a indiqué qu’il s’attelait à trouver des solutions à court, moyen et long terme de manière à mettre le pays sur les rails du développement en promouvant les structures et mécanismes visant à assainir le climat des affaires et ainsi dégager des ressources pour la construction des infrastructures et permettre au pays d’être relié et faciliter les transactions.
C’est dans cet esprit qu’en 2008, la République démocratique du Congo avait signé le contrat dit « Sino-congolais », renégocié en 2009. L’exécution de grands projets d’infrastructures inscrits dans ce cadre avait été interrompue, notamment pour des raisons techniques liées à l’insuffisance d’énergie électrique pour la production minière.
« Ce problème étant réglé par le lancement imminent de la centrale de Busanga, la mise en œuvre de ces projets devrait être relancée sans tarder », selon Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement.
Un contrat source des tensions
Le contrat sino-congolais a, dès ses débuts été au cœur des tensions, entre partenaires mais aussi entre le gouvernement congolais et institutions de Bretton Woods. Dès 2008, le Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais de construction d’infrastructures avait lancé la première évaluation du contrat signé en 2008 entre le gouvernement congolais et le groupement des entreprises chinoises.
Selon les termes de cette convention, la RDC devait trouver des ressources financières nécessaires à la réalisation des projets d’infrastructures nationales et à la modernisation du pays. Le groupement d’entreprises chinoises devait pour sa part mobiliser au départ 6 milliards de dollars pour financer les infrastructures. En retour, son objectif était d’investir dans le domaine de métaux non-ferreux en RDC.
Après discussions avec le FMI et la Banque mondiale, la RDC avait réduit ce montant à 3 milliards de dollars, expliquait Moise Ekaanga, coordonnateur du Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais de construction d’infrastructures.
Routes, ponts, bâtiments et autres infrastructures ont été construits aussi bien à Kinshasa que dans les provinces.
2013, année de la perturbation
Les entreprises chinoises, engagées depuis 2008 dans un partenariat avec la RDC pour la construction des infrastructures, n’avaient déboursé aucun sou en 2013 dans le cadre de ces accords. Le partenariat était en panne à la suite du non-respect par la RDC de ses engagements, notamment la prise en compte des risques politiques encourus par ces investissements.
Refusant de parlant de «panne», la cellule de suivi des contrats sino-congolais reconnaissait cependant des difficultés dans l’exécution de ces contrats.
Douze mois après l’approbation du projet de coopération par le gouvernement chinois, la RDC s’était engagée à adopter une loi devant sécuriser le régime fiscal, douanier et de change applicable à ce projet de coopération en raison de sa spécificité.
Cette loi, stipulée dans l’article 15 de ce contrat, était une exigence des Chinois pour se protéger contre toute appropriation ou nationalisation de leurs entreprises dans le futur ou encore l’expropriation directe ou indirecte de la SICAMINES, joint-venture minière née de ce partenariat, et son patrimoine. L’Etat congolais, via la Gécamines, doit détenir 32% de parts de la SICOMINES contre 68% pour le consortium chinois.
A cause du retard pris pour l’adoption de cette loi au Parlement, les Chinois n’avaient pas décaissé de l’argent en 2013 pour l’exécution des projets d’infrastructures, notamment la construction de routes et d’hôpitaux.
Initialement conclus pour 9 milliards de dollars américains, ces contrats avaient été revus à 6,2 milliards à la suite des pressions du FMI et de la Banque mondiale.
Sur ce montant, 3,2 milliards devraient être investis dans le secteur minier, donc dans la SICOMINES, et le reste était destiné aux infrastructures.
Déjà en mai 2013, des rumeurs faisaient état du retrait d’Exim Bank du partenariat sino-congolais. C’est cette banque chinoise qui finance les entreprises chinoises engagées dans la construction d’infrastructures en RDC.
Le responsable du bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais, Moïse Ekanga, l’avait démenti.
Les recommandations de l’Assemblée nationale, toujours d’actualité
L’Assemblée nationale avait demandé en 2008 au gouvernement de clarifier les contrats signés avec les entreprises chinoises. Le gouvernement devrait indiquer la valeur et la qualité des ouvrages qui seront construits. Le gouvernement était aussi appelé à bien évaluer les gisements qui devraient être cédés par la GECAMINES aux Chinois.
Le Président de l’Assemblée nationale de l’époque, Vital Kamerhe estimait qu’il fallait un calendrier précis des travaux à exécuter :
« Qu’est ce qui va être fait ? Quand ? Pour se terminer à quelle date ? La route qui partira de Pweto, c’est à quelle date qu’elle va arriver à Kalemie, puis à Uvira, ensuite à Kisangani ? Nous voulons savoir tout cela, en tant qu’élus du peuple, pour suivre. Et nous disons : on ne peut pas dire qu’en cas de conflit entre le Congo et les entreprises chinoises, on va appliquer la loi de la Chine. Ça, c’est une aberration sur le plan juridique », recommandait Vital Kamerhe.
Il ajoutait : « Rendez-vous dans 6 mois pour savoir si toutes les parties ont respecté les engagements. Ça ne sera pas trop tard. Ce contrat a une durée de vie de 25 ans. Et si, en une année, nous nous rendons compte que nous avons démarré du mauvais pied, et que nous pouvons rectifier le tir, ce n’est pas trop tard. Le coût des routes, nous savons qu’en moyenne, le kilomètre, c’est un million de dollar. Ça peut être le double ou légèrement plus. C’est tolérable. On ne peut pas accepter que nous allions à 10 fois plus ».
Avec cette évaluation demandée par la Président de la République, estiment des sources proches du dossier, la fixation des dates et des objectifs pour chaque projet permettrait de faire avancer des choses.
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