Au cours d’un entretien avec ONU-Info, la cheffe de la MONUSCO a souligné la nécessite d’avoir des élections inclusives, transparentes et apaisées en RDC. A cet effet, la MONUSCO va apporter, dans le cadre des élections de décembre 2023 un appui logistique à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dans les trois provinces où est encore déployée : Ituri, Nord-Kivu et Sud-Kivu.
La mission onusienne offrira aussi les bons offices, présentés comme un plaidoyer pour s’assurer que toutes les parties prenantes comprennent qu’il y a des principes pour des élections de qualité, a assuré Bintou Keita :
« Et là notre rôle, le mien et celui de mes collaborateurs et collaboratrices, c’est d’amener toutes les parties prenantes à comprendre que des élections de qualité, ce sont des élections qui sont transparentes, ce sont des élections qui sont crédibles, ce sont des élections qui sont inclusives et ce sont des élections qui se passent sans violence. D’avoir ces principes nous permet de dire aux uns et aux autres : Attention là, on n’est plus du tout dans un environnement qui va être paisible, des actes ont été posés qui vont amener à une exclusion de certaines personnes ou de certains partis ».
Elle a aussi évoqué le travail que fait la MONUSCO en ce qui concerne la participation des femmes comme électrices, mais aussi d’accompagner les femmes à être mieux équipées pour tous ce qui concerne leurs candidatures.
La cheffe de la MONUSCO a aussi évoqué le fait que la désinformation constitue un risque important pour les opérations de maintien de la paix des Nations unies. Si on la laisse se propager, cela non seulement nuit à la perception d’une mission et crée une confusion sur le rôle des Casques bleus, mais peut également mettre leur vie en danger.
Elle a décrit comment la MONUSCO lutte contre les informations fausses et trompeuses sur le terrain, et s’engage auprès des jeunes pour leur donner les moyens d’empêcher la propagation de fausses informations.
Entretien
ONU Info : A la tribune des Nations unies, le Président de la République démocratique du Congo a jugé impérieuse une accélération du retrait de la MONUSCO. Etes-vous d’accord avec lui que la situation actuelle nécessite une accélération du retrait ?
Bintou Keïta : En fait, la MONUSCO se retire tout doucement depuis des années de plusieurs provinces de la République démocratique du Congo. Nous nous sommes retirés de la province des Kasaï en juin 2021. Nous nous sommes aussi retirés de la province de Tanganyika en juin 2022.
Actuellement, nous sommes dans trois provinces de ce grand pays : dans l’Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Pour que tout le monde comprenne, il y a 26 provinces en République démocratique du Congo et nous sommes dans trois. Notre départ de la République démocratique du Congo se fera à partir de ces trois provinces.
Il y a 145 territoires en République démocratique du Congo et même dans ces trois provinces, nous sommes dans des (zones) problématiques avec des groupes armés qui sont essentiellement dans maximum 15 à 20 territoires. C’est là où se trouvent les points chauds par rapport à notre mandat qui concerne la protection des civils.
Et véritablement concernant une accélération du retrait, comme demandé par le chef de de l’État lors du segment de haut niveau la semaine dernière, nous disons : Travaillons ensemble avec les autorités de manière qu’on soit en accord complet sur là où la MONUSCO protège les civils, essentiellement seule, pour faire en sorte que les forces de sécurité de la République démocratique du Congo, soit présentes et y restent. Pas qu’elles viennent et puis se retirent pour d’autres actions, mais qu’elles restent véritablement là pour rassurer les populations, qui pour l’instant sont essentiellement protégées par les Casques Bleus.
ONU Info : Des manifestations ont été organisées contre la MONUSCO. Est-ce que vous pensez que le rôle des Casques Bleus est mal compris et que la désinformation joue un rôle dans la perception de la mission ?
Bintou Keïta : Très clairement, je crois qu’il y a souvent un très grand décalage entre ce que peuvent faire les Casques Bleus en termes de protection physique et la compréhension du mandat par la population ou même par les élites du pays. Dans ce grand décalage, il y a la notion qu’aucune personne, dans les trois provinces où nous sommes déployés, ne peut perdre la vie et ne peut être blessée parce que les Casques Bleus sont présents.
Et cela conduit à des frustrations, à de la colère. Cette frustration et cette colère se déversent de plusieurs manières dans les réseaux sociaux à travers la mésinformation, la désinformation et même des appels à attaquer les Casques Bleus parce qu’on considère qu’ils ne font pas leur travail.
Mais c’est aussi une forme de désespoir finalement, parce que l’attente est tellement grande qu’ils sont déçus et ils pensent que d’avoir toute cette violence verbale, cette incitation à la violence à travers les mots va amener à une posture différente.
Or je peux vous dire que les Casques Bleus font le maximum de ce qu’ils peuvent faire sur cette vaste étendue qu’est la République démocratique du Congo, et notamment ces trois provinces, parce que personne ne peut imaginer qu’il n’y a quasiment pas de routes, l’infrastructure est extrêmement pauvre. Même quand les gens disent c’est à quelques kilomètres, en fait, ces quelques kilomètres, il faut plusieurs heures pour les parcourir, même avec un véhicule bien rodé.
Et donc la mésinformation, la désinformation, pour nous, on la prend très au sérieux parce qu’elle a conduit l’année dernière à des morts d’hommes, aussi bien du côté des Congolais que du côté des Casques bleus. Nous savons que c’est une autre bataille qu’il faut avoir en étant proactifs vis-à-vis de la désinformation.
ONU Info : Est-ce que vous avez un exemple particulier d’activité pour lutter contre la désinformation de la part de la MONUSCO ?
Bintou Keita : Par exemple, on travaille beaucoup avec les jeunes. Et nos collègues de la communication organisent des sessions, des ateliers pour montrer comment rechercher la vérité dans l’information qui circule sur les réseaux sociaux, ne pas partager de l’information qui est fausse ou de l’information qui tend à être un message de haine, de violence. On leur apprend toutes les techniques qui permettent de détecter les fake news qui circulent et ne pas, eux, être les propagateurs de ce type d’information.
Il y a d’autres choses que nous faisons aussi qui est de faire parler les bénéficiaires de nos activités et notamment les populations qui sont protégées par la MONUSCO. Dans un entretien, elles expliquent comment, dans leur quotidien, elles vivent le travail que fait la mission et notamment les Casques Bleus dans leur protection.
On fait aussi un monitoring (suivi) extrêmement important, avec une acuité plus grande que nous ne l’aurions fait l’année dernière, par exemple, avant les événements malheureux et tragiques de juillet 2002. On regarde les tendances, ce qui devient viral, ce qui doit être démenti assez vite parce qu’il y a tellement de mensonges qui circulent que c’est compliqué d’être après chaque fausse nouvelle ou message fabriqué.
Je vais juste vous donner un exemple. Alors que j’étais à Kinshasa, attendant de voyager pour venir pour le briefing (allocution) au Conseil de sécurité cette semaine, quelqu’un s’est amusé à prendre une photo de moi datant d’il y a quelques années quand j’étais ici Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique. Un texte disait que j’étais contre le départ de la mission, présente à New York, alors que j’étais physiquement présente à Kinshasa.
ONU Info : Des élections sont prévues à la fin de de l’année en République démocratique du Congo. Quel type d’appui la MONUSCO apporte aux autorités pour préparer ces élections ?
Bintou Keita : De trois ordres. D’abord, on a un appui logistique à la Commission électorale nationale indépendante, la CENI, dans les trois provinces où nous sommes déployés parce que notre mandat dit très clairement d’apporter un appui logistique, avec les ressources dont on dispose là où on est actuellement déployé, donc Ituri, Nord-Kivu et Sud-Kivu.
Et puis, on a les bons offices. C’est du plaidoyer pour s’assurer que toutes les parties prenantes comprennent qu’il y a des principes pour des élections de qualité. Et là notre rôle, le mien et celui de mes collaborateurs et collaboratrices, c’est d’amener toutes les parties prenantes à comprendre que des élections de qualité, ce sont des élections qui sont transparentes, ce sont des élections qui sont crédibles, ce sont des élections qui sont inclusives et ce sont des élections qui se passent sans violence. D’avoir ces principes nous permet de dire aux uns et aux autres : Attention là, on n’est plus du tout dans un environnement qui va être paisible, des actes ont été posés qui vont amener à une exclusion de certaines personnes ou de certains partis.
S’agissant de la mise en œuvre de la résolution 1325, il faut bien que cette mise en œuvre se traduise aussi dans le processus électoral. Donc nous faisons beaucoup de travail en ce qui concerne la participation des femmes comme électrices, mais aussi d’accompagner les femmes à être mieux équipées pour tous ce qui concerne leurs candidatures, pour des postes à la fois de député provincial ou député national. Et aussi celles qui se présentent aux élections présidentielles.
/actualité.cd