Lorsque Félix Tshisekedi Tshilombo, Président de la République, annonce dans une conférence de presse tenue vers la fin 2019 aux États-Unis, qu’il allait déboulonner le régime Kabila, qui pouvait y croire ? Cette déclaration audacieuse apparaissait aux yeux de beaucoup comme une blague de mauvais goût.
Du côté du Front Commun du Congo ( FCC), le regroupement kabiliste, elle a même été l’objet des railleries au bord de la dérision.
Et pour cause ?
Félix Tshisekedi a été élu Président de la République dans des conditions qui l’ont contraint à composer avec une majorité parlementaire détenue par le régime de Joseph Kabila, son prédécesseur.
La coalition issue de ce mariage forcé est vite apparue comme la monture du cavalier avec son cheval au point qu’il semblait recevoir les ordres du Kingakati, le lieu de résidence de son prédécesseur.
Pourtant, conscient de cette faiblesse, suicidaire à l’interne, le nouveau Chef de l’État s’est déployé à l’extérieur du pays pour renouer avec le monde et prendre ainsi ses distances avec la politique souverainiste du régime précédent qui avait amené la RDC à l’isolement diplomatique.
S’appuyant sur les États-Unis, il a réussi à relancer une coopération active avec des pays comme l’Israël, l’Allemagne, la France, l’Angleterre et la Belgique, ancienne puissance coloniale. Sur le plan interne, lentement mais sûrement, il a fini par prendre le contrôle du gouvernement pourtant majoritairement FCC, à travers la tenue hebdomadaire des conseils des ministres, le suivi consensuel de l’anction gouvernementale et le dédoublement de certaines structures (Agence de lutte contre la corruption, Conseil National du Numérique, Coordination pour le changement des mentalités, etc.) ramenées au niveau de la Présidence de la Républiqu.. Entre temps, deux décisions spectaculaires, à savoir le programme de 100 jours et la gratuité de l’enseignement de base lui ont permis de garder la tête hors de l’eau.
Pourtant, lorsqu’il annonça à Windhoek (Namibie) qu’il allait nommer un informateur pour la formation du gouvernement, le FCC s’est empressé de désigner le Premier ministre et plus tard, après la déclaration de déboulonnage aux États-Unis, il fut même amené à rétropédaler.
C’est à partir de fin 2019 que Félix Tshisekedi a revêti véritablement la casquette de Président de la République.
Dans son discours sur l’état de la nation devant le parlement réuni en congrès, il avait décrété 2020 année de l’action, puis en janvier, devant la diaspora congolaise rassemblée à Londres, il avait annoncé solennellement qu’il détenait « le Bic rouge », insinuant ainsi qu’il détenait le pouvoir de révoquer n’importe qui et qu’il était en mesure de dissoudre le parlement.
Les réactions maladroites des présidents FCC de l’Assemblée Nationale et du Sénat vont précipiter les évènements. Coup sur coup, comme pour prouver qu’il exerçait véritablement son impérium, le Président Tshiseki a procédé à des nominations et mises en place dans l’armée et dans la magistrature, lançant son appel à l’Union sacrée de la nation et consultant personnellement les groupes politiques et sociaux représentatifs pour une nouvelle gouvernance de l’État. Après les consultations, il avait courageusement décidé de la dissolution de la coalition FCC-CACH.
Il s’en est suivi une adhésion massive à l’Union sacrée de la nation, réussissant par ricochet le tour de force tout à fait inattendu de la requalification de la majorité.
Les tentatives de résistance de certains caciques du FCC ne pouvaient rien face à ce vent qui semblait tout emporter sur son passage. Certains l’ont expérimenté. C’est le cas de l’ancien Vice-premier Ministre en charge de la justice, Tunda Ya Kasende, de l’ex Présidente de l’Assemblée nationale, Jeannine Mabunda et de l’ex Président du sénat, Alexis Thambwe Mwamba.
La mise en action de l’Inspection générale des finances (IGF), concrétisant de manière globale la promesse du Chef de l’État d’engager la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics, ne participe pas moins au déboulonnage du régime Kabila, sommet de la corruption et de l’impunité en RDC.
Si le FCC semble au bout de souffle, il reste que, comme on le vit ces derniers temps, il y a encore des risques de désintégration de la cohésion qui a été créée au sein de l’Union sacrée de la nation.
La proposition de la loi sur la nationalité, déposée à l’Assemblée nationale, et qui exclut les congolais nés d’un parent d’origine étrangère à l’exercice des certaines fonctions, divise gravement la classe politique ainsi que l’opinion nationale dans son ensemble.
Il en est de même de la composition de la CENI, et surtout de la Présidence de celle-ci, qui apparait déjà comme un enjeu vital pour la tenue d’un processus électoral crédible en 2023.
Et certains extrémistes du parti présidentiel, en l’occurrence l’UDPS, ne semblent pas portés à l’apaisement des tensions, notamment communautaires, qui montent dangereusement. Si l’on n’y prend garde, ces tensions menacent de conduire le pays à des situations incontrôlables.
Alternance.cd