«Gratuité de l’enseignement de base dans les établissements publics : gare à l’essoufflement d’un marathonien en pleine piste», avait titré Forum des As, dans l’une de ses éditions en septembre 2019. Dans cet article, le journal attirait l’attention des dirigeants du pays sur une décision, certes salutaire pour un plus grand nombre de Congolais, mais en même temps, porteuse de germes de dysfonctionnement partiel ou total d’un système éducatif déjà agonisant. En son temps, le quotidien de la 11ème rue Limete, n’avait pas cru bien dire les choses. Voilà que plus d’une année après, ce que l’on craignait est finalement arrivé.Après le 12 octobre, date de la rentrée scolaire pour l’année 2020-2021 en RD Congo, la situation dans la plupart des établissements publics est celle où les instituteurs passent 8 heures au travail et non 8 heures de travail. Ils s’y rendent. Mais sans vraiment enseigner. Loin d’être un scoop du journal, il s’agit plutôt ici, d’une situation bien connue de tous. Y compris des autorités du pays.Pas un secret de confessionnal, la situation socioprofessionnelle des enseignants est la principale cause de ce débrayage en silence. Dans la plupart des écoles conventionnées catholiques où se radicalise la grogne, les enseignants ne demandent pas mieux, que l’augmentation de leurs salaires mensuels.«A ce jour, l’Etat nous paye 360.000fc, soit l’équivalent de 180$Us, contrairement à toute la publicité au parfum d’un marketing politique, qu’on fait passer dans certains médias. Pourtant, avant la mise en application de la mesure de gratuité de l’enseignement de base dans tous les établissements publics, nous recevions 375 dollars de prime sur base de ce que payaient les parents et 100 $US, à titre de rémunération par la Fonction publique. Ce qui faisait un total mensuel de 475$US. Vous n’avez qu’à faire des calculs pour trouver la différence en termes de perte sensible de notre pouvoir d’achat», déclare sur un ton de révolte, une professeure du Lycée catholique Boyokani au quartier Yolo-Sud de Kalamu, jointe au téléphone hier jeudi par Forum des As.
LES PARENTS DE NOUVEAU PRËTS A INTERVENIR
Vu des partenaires du secteur de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST) en RD Congo, la situation actuelle dans les écoles publiques en général, et dans celles conventionnées catholiques en particulier, refuse toute posture démagogique de la part des dirigeants du pays. Ce malaise (légitime ?) des enseignants ne doit pas non plus donner lieu à une sorte de diabolisation des gestionnaires des écoles catholiques, que certaines langues, à bras raccourcis, accusent de vouloir saboter l’action de l’actuel Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi.Pour plusieurs raisons, cette grogne sociale dans les grandes écoles de Kinshasa, particulièrement, appelle à une solution rapide et réaliste. Côté officiel, on promet de payer le deuxième palier du salaire des enseignants, une fois que le budget de l’Etat pour l’année 2021 est voté. Entre-temps, la grande commission mixte paritaire, comprenant les délégués de différents syndicats des enseignants et du Gouvernement, continue ses travaux amorcés depuis plusieurs à Bibwa, dans la commune de N’Sele. Comme qui dirait, c’est à l’issue des travaux de cette Commission, que les syndicalistes des enseignants de l’Epst, communiqueront à leurs différentes bases, le comportement à adopter. Ce sera donc, soit la poursuite normale des activités, soit l’endurcissement de la grève.Mais en attendant, les jours passent vite. Les parents, très inquiets de voir leurs enfants se rendre tous les jours à l’école, mais pour ne rien apprendre, s’impatientent et haussent le ton. Fatigués du matraquage de la publicité sur la mesure de gratuité que certains politiciens tentent d’exploiter à leurs profits, nombre de chefs de familles se disent désormais prêts à reprendre leur croix. A savoir, la contribution à la prime des enseignants de leurs enfants, comme antidote au mécontentement des enseignants observé depuis le début de l’année scolaire en cours.En rapport avec cet engagement, Forum des As apprend qu’il est déjà effectif dans certaines grandes écoles de Kinshasa, en dépit du fait que dès le départ, les parents ont été divisés sur la question. Mais, étant donné qu’il s’agit d’un contrat librement consenti, ceux des parents qui tenaient mordicus à la gratuité de l’enseignement, n’avaient qu’à choisir entre un enseignement de qualité et une formation gratuite bâclée.Cependant, comme il s’agit d’une pratique non autorisée par les autorités du pays, les autorités scolaires qui l’ont exhumée, en accord avec les parents, percevraient de l’argent, minimum 200$US, sans remettre en retour, un quelconque reçu de perception.
VIVEMENT UN ETAT DES LIEUX
Au-delà de ses conséquences sur la qualité de l’enseignement décriées par tous, l’option prise par le Gouvernement, d’appliquer l’article 43 de la Constitution, est noble. Question cependant, ce même Exécutif national avait-il les moyes de mettre cette gratuité de l’enseignement en œuvre, au point d’exclure toute contribution des parents ? Au regard d’un maigre budget de l’année 2020, chiffré à un peu plus de 5 milliards USD, la réponse est sans doute non.Ici, on devrait éviter de limiter le problème à la seule rémunération des enseignants. Bien au contraire. On devrait élargir la problématique jusqu’au niveau des frais de fonctionnement. En d’autres termes, en plus de la paie des enseignants, le Gouvernement devraient donner aux gestionnaires des écoles, des frais leur permettant de fonctionner normalement, en compensation de la «manne» que ces derniers recevaient des parents. Au non de la gratuité, tout semble en arrêt dans la plupart des écoles publiques. On apprend même que certains établissements ont même mis la clef sous le paillasson de leurs petites pharmacies scolaires. Dans d’autres, même les toilettes ne se nettoieraient plus.Bref, la situation actuelle est que ce sont les enfants qui sont victimes d’une décision mal murie. Les enseignants ne trouvent pas leur compte. En tout cas, ce n’est pas avec un budget de 6,8 milliards de dollars américains, sous réserve de l’ultime sanction du Parement, que l’Etat congolais pourrait prétendre maintenir le cap de la gratuité de l’enseignement, avec tout ce qu’elle implique.Etant donné qu’on ne doit plus faire la politique de l’autruche, d’aucuns conseillent vivement un dialogue franc entre le Gouvernement congolais et les différents partenaires, pour un état des lieux sans complaisance de la situation. A ce jour, il est prouvé que le Gouvernement se trouve coincé parce que n’ayant pas suffisamment de ressources financières nécessaires pour gérer tous les gaps.Tout bien considéré, si l’année scolaire 2019-2020 en RD Congo, s’est clôturée dans une sorte de cafouillage pédagogique inédit, celle en cours commence sur des bases très fragiles qui ne présagent pas de lendemains meilleurs dans cet important secteur de la vie du pays.
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