Gertler : le silence de Biden à la lettre confidentielle de Tshisekedi

Le courrier de Félix Tshisekedi à Joe Biden datant du 05 mai 2022 vient de fuiter. Cette correspondance à caractère confidentiel n’avait jamais été répondue par le chef de la Maison Blanche, voici 10 mois. S’agirait-il d’un désaccord entre Kinshasa et Washington ou d’un refus poli du président américain, se préoccupent des analystes haut placés. La levée des sanctions imposées à Dan Getler n’est pas encore à l’ordre du jour chez Joe Biden. Kinshasa qui cherche désespérément à soigner l’image de son partenaire, a encore du pain sur la planche.

Le journal The New-York Times qui a livré l’information indique que le président Félix Tshisekedi est intervenu directement auprès du président Biden, demandant que le département du Trésor annule les sanctions contre Gertler. Dans cette correspondance, Tshisekedi affirme “faire part de substantielles avancées rencontrées” dans son pays, la République démocratique du Congo, “dans la lutte contre la corruption et la fraude, fléaux qui ont pendant de nombreuses années asservies” son peuple. Le président congolais rappelait à son homologue américain les derniers développements de la situation du pays, notamment de la violence et des conflits qui y ont élu domicile, mais également de l’état de non-droit qui transcendait les rapports entre l’État et ses administrés. Pire, celle-ci s’est muée en “un triste paradis où l’abondance et la richesse en ressources minérales, pourtant ailleurs catalyseurs de développement économique, ne profitent que maigrement à son peuple”. Il y souligne son souci de mettre fin à l’exploitation et aux retombées inéquitables subies par son pays, d’ouvrir la porte à des investisseurs à l’éthique bien plus accommodante et respectueuse des droits humains et d’améliorer significativement le quotidien de ses concitoyens jusqu’ici condamnés, pour un grand nombre d’entre eux, à vivre sous le seuil de pauvreté.

Le courrier de Tshisekedi retrace la nouvelle approche de son gouvernement qui s’est traduit par une forte volonté de “mettre un terme au bradage des ressources”, de mettre en œuvre des mécanismes visant la protection des minerais les plus stratégiques et de renégocier certains contrats miniers ; secteur autrefois malicieusement capté et dominé par les administrations précédentes. Des discussions aboutissant à une renégociation des contrats détenus par des sociétés affiliées à la personne de Dan Gertler (Groupe Ventora), sujet israélien sous sanctions américaines (loi Magnitsky), ainsi qu’une importante entreprise des capitaux chinois. “Force est de constater que M. Gertler a été l’un des rares, si pas le seul, opérateur économique à s’engager dans ce processus novateur qui a récemment débouché sur la conclusion d’un accord à l’amiable inédit que nous estimons être optimal pour la République démocratique du Congo et son peuple”, a détaillé Tshisekedi à Biden.

La même lettre rappelle autre part l’engagement constant dont les États-Unis d’Amérique qui ont fait preuve aux côtés de la République démocratique du Congo, dans la lutte contre la fraude, le blanchissement et la captation illicite de capitaux, de même que la corruption. Les États-Unis d’Amérique avaient pris le soin de faire tomber Dan Gertler, de même que plusieurs personnes et autres entités lui associées, sous le coup des effets du Global Magnitsky Act. “Ces sanctions ciblées n’ont été rien moins que transformatrices et salvatrices pour notre combat”, souligne Félix Tshisekedi. Elles ont été le catalyseur qui a amené Monsieur Gertler et son groupe à la table des négociations, dit-il. Le président congolais tente de rassurer son homologue américain sur Gertler et son groupe, affirmant que ces derniers ont renoncé à toutes leurs licences d’exploitation d’or et de fer, à leurs permis de forage pétrolier pour le lac Albert et à une partie importante de leurs revenus futurs provenant des redevances sur le cuivre et le cobalt dues par des tiers. La valeur totale des actifs et des droits ainsi accordés à la République démocratique du Congo est estimée à environ 2 milliards de dollars américains.Plus de griefs contre Getler, Kinshasa veut la levée des sanctions

Pour Félix Tshisekedi, la RDC a bel et bien récupéré une quantité d’actifs par le biais de négociations pacifiques. “Nous estimons dorénavant, et ce, en toute confiance, que la République démocratique du Congo ne nourrit plus de griefs à l’encontre de Monsieur Gertler et son groupe”, rassure Tshisekedi à son homologue américain. Une lettre qui se veut un plaidoyer exprimé en faveur de la radiation de Dan Gertler et de son groupe, du Global MagnitskyAct. En effet, de lors que l’objectif recherché par les sanctions consacrées par le Global Magnitsky Act a été atteint, en ce qu’il a contraint Monsieur Gertler et son groupe à se conformer aux bonnes pratiques du secteur minier et des hydrocarbures de la République démocratique du Congo, Tshisekedi estime qu’elles n’ont plus besoin d’être imposées davantage, de peur d’avoir un impact négatif sur les intérêts économiques de la RDC. Il y a cinq ans, les États-Unis ont accusé le riche diamantaire israélien (plus d’un milliard de dollars), de mener des transactions minières et pétrolières corrompues en République démocratique du Congo, affirmant qu’ils sapaient la croissance économique et « l’état de droit » de la RDC. Malgré les accusations américaines selon lesquelles Gertler avait, en effet, pillé le pays, Tshisekedi est directement intervenu auprès du président Biden, demandant au département du Trésor d’annuler la sanction, rapportent des documents obtenus par le New York Times.

Gertler a longtemps contesté les allégations, affirmant qu’il n’avait jamais versé de pots-de-vin et que ses investissements au Congo avaient généré des milliards d’impôts et des milliers d’emplois. Le tycoon juif avait déjà tenté de faire lever les sanctions en 2019, sous l’administration Trump. Il a embauché Alan Dershowitz, un allié du président, ainsi que Louis J. Freeh, l’ancien directeur du FBI, et a réussi à faire pression sur Steven T. Mnuchin, alors secrétaire au Trésor, pour abroger en grande partie des sanctions, comme l’a rapporté le New York Times en 2021. Mais l’équipe de Biden, quelques jours après son investiture en 2021, a décidé de rétablir les sanctions. “La crédibilité des États-Unis a été considérablement endommagée”, a-t-il déclaré, « tout comme la crédibilité du programme de sanctions Global Magnitsky « faisant référence à la loi sur les droits de l’homme et la corruption en vertu de laquelle Gertler a été puni, selon des documents publiés par le New York Times en vertu de la loi sur la liberté d’information.Gertler n’a pas renoncé Son cabinet d’avocats basé à Washington, Arnold & Porter, a soumis une nouvelle pétition pour faire lever les sanctions. The Times a poursuivi le département du Trésor pour obtenir des copies de cette correspondance et autres courriels. Le président congolais a, pour sa part, averti que la non-levée des sanctions pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’accès aux ressources naturelles du pays. “Si les sanctions sont perçues par les investisseurs étrangers comme une impasse à la liquidation de leurs entités et à l’arrêt de leurs activités, cette inquiétude conduira sûrement à la disparition des investissements directs étrangers au Congo”, a écrit Tshisekedi dans sa lettre à Joe Biden. Ces dernières semaines, la campagne de lobbying de Dan Gertler s’est étendue aux groupes internationaux de défense des droits de l’homme, qui avaient vivement critiqué ses activités au Congo, leur demandant de soutenir ses efforts pour faire lever les sanctions par les autorités américaines./mediascongo.net

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