En conflit avec le TP Mazembe, Meschak Elia hésitait à rentrer en RDC, où sa sécurité ne lui semblait pas assurée. Après, entre autres, une intervention du président Tshisekedi, il est cependant revenu au pays afin de disputer deux matchs qualificatifs pour le Mondial 2022.
Le 24 mars, en début de matinée, l’Argentin Héctor Cúper, sélectionneur de la RD Congo, a appris que Meschak Elia (24 ans) allait finalement se rendre à Kinshasa, sa ville natale, afin d’honorer sa convocation pour les deux matchs qui devaient opposer les Léopards au Maroc, lors du troisième et dernier tour des qualifications pour la Coupe du monde 2022.
Arrivé dans la soirée à l’aéroport international de Ndjili, l’attaquant des Young Boys Berne (Suisse) est pourtant resté sur le banc de touche du Stade-des-Martyrs le lendemain, lors du match aller face aux Lions de l’Atlas (1-1). Cúper a expliqué que l’arrivée tardive du joueur, qui n’avait pas pu s’entraîner avant le choc contre les Marocains, l’avait obligé à prendre cette décision, contestée par une partie des supporters congolais.
Dans un monde idéal…
Mardi 29 mars dans la soirée, à Casablanca, Elia pourrait bénéficier du temps de jeu qu’il n’a pas eu à Kinshasa afin d’aider la RDC à décrocher une qualification pour une compétition qu’elle n’a plus disputée depuis 1974. Dans un monde idéal, le joueur aurait dû retrouver ses coéquipiers au plus tard le lundi 21 mars. Cúper avait en effet rappelé en renfort l’attaquant, élu meilleur joueur du Championnat d’Afrique des nations (CHAN) 2016, qui n’avait plus été retenu en sélection depuis la Coupe d’Afrique des nations 2019, disputée en Égypte.
ON A ENTENDU PARLER D’UN RISQUE D’EMPOISONNEMENT. SANS PREUVES, MAIS L’AFFAIRE A ÉTÉ PRISE AU SÉRIEUX
Si Elia a mis autant de temps à rejoindre la capitale congolaise, ce n’était pour soigner en Suisse une blessure, mais en raison de menaces qui pèseraient sur lui. « Visiblement, le club bernois, mais surtout l’agent d’Elia, craignaient pour sa sécurité. On a entendu parler de menaces, de risque d’empoisonnement. Il n’y a pas eu de preuves, mais l’affaire a été prise au sérieux, au point que Félix Tshisekedi s’est lui-même impliqué dans le dossier », explique une source proche de la sélection nationale et ayant requis l’anonymat. L’information avait été révélée par Godard Motemona, le vice-ministre congolais des Mines, sur les ondes de Top Congo FM.
Coup de fil présidentiel
Passionné de football, le président de la RDC rêve de revoir les Léopards en phase finale d’une Coupe du monde, et, à ses yeux, la présence d’Elia en sélection est un réel atout. Tshisekedi a donc assuré au joueur que sa sécurité ne serait pas menacée lors de son séjour à Kinshasa. Dans la capitale congolaise, il se murmure que le chef de l’État aurait personnellement téléphoné aux dirigeants des Young Boys Berne pour leur apporter toutes les garanties nécessaires.
UN JOUEUR QUI REFUSE DE VENIR PARCE QU’IL CRAINT POUR SA SÉCURITÉ, CELA FAIT MAUVAISE PRESSE
« Qu’il ait agi par amour du foot et de la sélection congolaise, je veux bien y croire. Mais il a aussi pensé à l’image de son pays, juge un ancien international congolais. Un joueur qui refuse de venir en sélection parce qu’il craint pour sa sécurité, ça fait mauvaise presse, surtout en RDC, où tout ce qui concerne le football est pris très au sérieux. »
Le TP Mazembe nie toute implication
Pour comprendre les dessous de cette affaire, il faut remonter au mois de juillet 2019. Meschak Elia, qui évolue alors au TP Mazembe, en RDC, est annoncé au RSC Anderlecht, l’un des meilleurs clubs belges, et avec qui Moïse Katumbi, le président des Corbeaux – le surnom des joueurs du TP Mazembe – , entretient d’étroites relations. Il est question d’un transfert d’environ 700 000 euros.
ELIA ET LES YOUNG BOYS BERNE AVAIENT ÉTÉ CONDAMNÉS À VERSER 527 000 EUROS AU TP MAZEMBE
Affirmant avoir subi des pressions et reçu des menaces, ainsi que sa famille restée en RDC, le joueur ne passera que quelques jours en Belgique. Après avoir obtenu un visa des autorités helvétiques et passé plusieurs semaines à s’entraîner tout seul, Elia signe un contrat avec les Young Boys Berne, qui ne versent aucune indemnité de transfert au TP Mazembe, estimant que le joueur est libre de tout engagement.
Le club de Lubumbashi s’empresse alors de contester ce transfert devant la Fifa, et celle-ci, par le biais de sa Chambre de résolution des litiges, lui donne raison, en condamnant Elia et les Young Boys à lui verser 527 000 euros. Un montant jugé insuffisant par les dirigeants des Corbeaux, qui ont fait appel.
Elia a d’ailleurs expliqué que ce litige administratif l’opposant au TP Mazembe était à l’origine de son hésitation à fouler à nouveau le sol congolais. « En RDC, certains estiment que ce sont des proches du TP Mazembe, des supporters par exemple, qui auraient menacé le joueur », reprend ce proche de la sélection. Des accusations à peine voilées, que Frédéric Kitengie, le secrétaire général des Corbeaux, a immédiatement balayées, lors d’une interview à Nyota TV. Aujourd’hui, tous les supporters des Léopards n’auront qu’une seule obsession : voir leur sélection jouer en la Coupe du monde. Avec ou sans l’aide d’Elia…
Jeune Afrique