Ce n’est plus un secret pour personne : le torchon brûle, depuis un temps plus ou moins long, entre le ministère de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique et le Commissariat Général à l’Energie Atomique (CGEA). Pour faire plus simple, disons que le courant ne passe plus entre le ministre José Mpanda et le Commissaire Général à l’Energie Atomique, le professeur Vincent Lukanda.
La pomme de discorde n’est rien d’autre que l’argent. Cela est fort étonnant dans un secteur où la tutelle et ses « dépendances » devraient pourtant privilégier la promotion de la science, rien que la science, au bénéfice de la Nation tout entière. Hélas, tel n’est pas le cas est est fort dommage.
On retient, pour l’essentiel, que le ministre José Mpanda accuse le responsable numéro du CGEA d’une série de détournements, échelonnés sur 14 ans selon lui, jusqu’à hauteur de 504 millions de dollars américains. Au regard d’un tel chiffre, les 48 millions de dollars américains détournés dans le cas du programme de 100 jours du Chef de l’Etat et qui ont valu 15 ans d’emprisonnement son ancien Directeur de cabinet, Vital Kamerhe, paraissent comme un fretin. Le même chiffre se situerait à moins de la moitié des fonds (environ 200 millions de dollars américains) présumés détournés par l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, dans le cadre du financement du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo.
Si la mémoire du commun des Congolais est bonne, ce serait la première fois qu’un mandataire public ferait disparaître, des caisses de l’Etat, un demi milliard de dollars américains. Les accusations du ministre de la Recherche Scientifique suscitent un tel doute dans les esprits que Le Phare s’est résolu à approcher le professeur Vincent Lukanda, un chercheur bien connu dans le monde scientifique national comme international, pour savoir comment le Commissariat Général à l’Energie Atomique s’est subitement mué en une « régie financière », inconnue de la nomenclature des services générateurs de plantureuses recettes pour le Trésor public.
La situation parait si troublante et invraisemblable que le quotidien du boulevard du 30 juin a décidé de tendre le crachoir au principal incriminé.
Monsieur le Commissaire général à l’Energie Atomique, votre structure scientifique, d’ordinaire tranquille et peu connue du grand public, se trouve aujourd’hui au-devant de la scène. Depuis un certain temps, les médias et les réseaux sociaux sont secoués par des accusations de votre ministre de tutelle, relatives à un détournement monstrueux opéré par vous et chiffré à 504 millions de dollars américains, sur une période de 14 ans. Quelle est votre lecture de la situation ?
Tout d’abord, je voudrais vraiment vous remercier et au travers de vous, remercier votre Journal qui me donne l’occasion d’éclairer ou de tenter d’éclairer l’opinion sur cette situation, visiblement préméditée pour causer du tort à ma modeste personne.
En affirmant au début de votre question que notre structure scientifique est d’ordinaire tranquille et peu connue du public, Je vois que vous suivez de près la situation des activités nucléaires du Commissariat Général à l’Energie Atomique. En effet, nous existons depuis 1959 comme structure publique chargée de conduire la politique de la recherche de la RDC en recourant à la technologie nucléaire comme outil. Et en tant qu’organe scientifique, nous méritons le respect et la considération des politiques et de l’opinion. Nous n’avons pas inventé cela. La science est la base du développement dans toute l’humanité. Et lorsque cela n’est pas compris, il n’y a pas de progrès. Et pour qu’il y ait progrès, il faut un minimum des conditions et l’une d’elles c’est la paix au sens complet du mot. Pas seulement l’absence de la guerre, mais le scientifique a besoin de la paix comme support pour mieux faire.
CGEA peu connu du grand public ?
C’est normal et ça peut se vérifier partout dans le monde scientifique. Le nucléaire fait peur par sa complexité. Pour le scientifique, il suscite admiration et pour le commun de mortels, c’est un mystère.
Aujourd’hui, les résultats de tout cela, ce sont les applications des techniques nucléaires qui sont visibles parmi nous, au point que le commun des mortels ne se pose plus de questions. Il est tout simplement émerveillé de trouver les solutions qui se posent à lui.
Que les médias et réseaux soient aujourd’hui secoués, cela est normal. Ça veut tout simplement dire qu’il y a une tentative de perturbations de quelque chose qui fonctionnait normalement et cela fait scandale, étonne les gens. C’est ce que vit le CGEA aujourd’hui. Quelqu’un n’a pas compris le sens de choses et veut emmener du désordre. Il n’est pas à sa place et c’est ce que les réseaux sociaux essaient de comprendre. Et c’est la raison pour laquelle vous êtes là à m’interroger. Et rassurez-vous, tout le monde se pose la même question et Dieu merci, vous êtes là pour tenter d’y apporter la réponse.
Est-ce qu’il y a eu détournement de 504 millions de dollars américains par le Professeur Lukanda Mwamba ?
La réponse, c’est non.
Depuis que nous existons en tant que structure scientifique, le CGEA n’a jamais produit 500 millions de dollars américains. Il s’agit d’une déclaration faite pour alerter les autorités en vue de fausses décisions que l’on mijote de prendre sur quelqu’un.
Rappelez-vous que depuis plus de 60 ans que nous fonctionnons, c’est des subventions de l’Etat congolais que nous assurons notre programme de recherche. Vers la fin des années 1990, avec tous les troubles politiques qui pointaient à l’horizon, le CGEA ne recevait plus rien de l’Etat congolais en termes de fonctionnement, à part les salaires qui étaient versés aux agents. Avec la fin de la coopération technique avec les partenaires bilatéraux, aucune autre source de revenus n’était disponible pour la structure. Le CGEA, comme toutes les autres entreprises soutenues par l’Etat congolais, était par terre. Et cette situation a perduré jusqu’il y a quelques années. Des tentatives ont été faites pour relever la situation, d’abord avec le Professeur Félix Malu wa Kalenga, paix à son âme, ensuite avec le Professeur Fortunat Lumu Badimbayi-Matu, en leur qualité de Commissaires Général du CGEA. A notre avènement à la tête du CGEA, en 2007, nous avons continué sur la même lancée et grâce à notre dynamisme et l’appui de la communauté des travailleurs du CGEA, nous avons organisé les choses pour procurer à notre structure des sources de revenus, qui aujourd’hui attirent les appétits des autres.
Est-il vrai que le CGEA produit mensuellement des recettes et termes des millions de dollars ? Si Oui, à quelle hauteur et quelles sont vos sources de financement ?
Non, nos recettes mensuelles n’atteignent même pas 1 million de dollars américains. Il est vrai que les statistiques varient d’une période à une autre au cours de l’année donnée. Vous aurez donc des mois avec des pics et des mois avec des faibles statistiques. Si l’on doit parler en scientifique, il faudrait parler en termes de moyennes.
Ainsi donc, si nous pouvons prendre la seule année 2020 à titre d’exemple, nous sommes sur des valeurs en-dessous de million, soit en-dessous de 600.000 mille dollars américains mensuellement.
Et si vous effectuez un simple calcul, vous verrez qu’en moyenne, sur une année, nous sommes à la hauteur de près de 7 millions par année.
Ces chiffres sur 14 ans, nous sommes à moins de 100 millions de dollars américains.
Et comme je l’ai dit tout au début de votre interview, la vérité c’est que le CGEA n’a pas géré ces recettes pendant 14 ans. Il y a eu l’OCC d’abord, ensuite une cogestion avant d’en prendre seul la gestion à partir de 2015.
Mais le CGEA ne consomme pas tout cela seul. Nous partageons ces montants avec les provinces où nous travaillons ainsi qu’avec d’autres institutions qui opèrent aussi dans le nucléaire, sans compter la tutelle elle-même jusqu’en Juillet de cette année. Au finish, c’est moins de 50% de toutes les recettes générées sur services rendus et prestations qui sont disponibles pour le CGEA. Dans tout cela, il faudrait compter que c’est le CGEA qui supporte toutes dépenses d’exploitation.
Le CGEA vit des revenus générés par les recettes propres, c’est-à-dire, de l’argent produit par le travail que nous effectuons auprès des autres et de nos prestations. Celles-ci portent les services rendus, lesquels services relèvent de nos missions et de nos attributions statutaires. Il ne s’agit pas de l’argent que l’Etat met à notre disposition dans le cadre de ses subventions et d’appui à la réalisation de son programme de développement. Mais plutôt de l’argent produit sur nos prestations. Et cela, bien que le CGEA ne reçoive plus rien du gouvernement comme frais de fonctionnement, à l’exception des salaires qui sont versé au personnel.
Il y a eu d’abord, la gestion des recettes par l’OCC, ensuite une gestion partagée pendant une courte période et enfin une gestion par le CGEA seul.
Comme vous le voyez, le CGEA n’a pas géré ces fonds pendant 14 ans. Depuis l’instauration de ces fonds en 2007 jusqu’en 2014, la gestion desdites recettes était entre les mains de l’OCC. Le CGEA en a pris le plein contrôle en février 2015. Et si vous faites ce petit calcul, vous verrez que notre gestion s’est faite depuis seulement à peine 6 ans et non 14 ans comme cela a été déclaré avec pompe dans les médias par le ministre José MPANDA KABANGU.
A côté de ces services et prestations rendus, le CGEA encaisse également des revenus su ce que l’on appelle Fond sur Services Rendus, en sigle FSR. Ces fonds sont partagés par plusieurs organismes et services nationaux qui rendent services à la nation sous plusieurs facettes. Le CGEA ne perçoit qu’environ 1% de l’enveloppe globale.
Et ces recettes n’ont jamais atteint le montant qui a été avancé de 504 millions. Et dire que nous fonctionnons depuis en finançant les programmes de recherche, en payant les salaires et les primes au personnel. Il est donc impossible que nous détournions des sommes que nous n’avons jamais produites.
Ces prestations et ces services ont été rendus obligatoires par la situation qu’a connue notre pays dans l’Ex-Province du Katanga. Vous vous rappelerez que vers la fin des années 1990, la GECAMINES était déjà en faillite et que la plupart de ses sites miniers étaient presqu’à l’abandon, avec comme conséquence l’envahissement des mines par les populations civiles à la recherche des moyens de subsistance. Les conséquences les plus immédiates c’est que ces substances uranifères ou ces minerais à haute teneur d’uranium ont fini par s’avérer dangereux avec toutes les conséquences sanitaires que l’on déplore là-bas aujourd’hui. Et pire encore, cela a entamé la crédibilité du pays sur le plan international, avec la prolifération des armes nucléaires et le trafic illicite des matières nucléaires dans le pays. Il fallait une réponse à ce nouveau fléau. C’est ainsi que le gouvernement de l’époque avait décidé, sur recommandation de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, AIEA en sigle, qu’un contrôle de la radioactivité soit institué sur les minerais à l’exportation. Il s’en est suivi l’installation d’un bureau régional du CGEA à Lubumbashi. Au départ, ce travail se faisait par l’Office Congolais de Contrôle, qui existait déjà sur place. Ensuite, à la suite de l’ouverture et de l’installation de nos bureaux dans les provinces de l’Ex-Katanga, on a commencé par travailler ensemble avec l’OCC avant de reprendre complétement le contrôle de cette activité. En effet, le CGEA dispose des compétences et des ressources humaines qualifiées et des moyens techniques pour ce faire.
A quoi servent ces recettes d’autant plus qu’en dehors de celles-ci, le Commissariat Général à l’Energie Atomique est censé bénéficier des frais de fonctionnement de la part du gouvernement ?
A défaut de financement ou de subventions publiques ou lorsque ceux-ci sont insuffisants, il est normal que le CGEA contribue à l’effort du gouvernement en trouvant des sources de financement supplémentaires pour continuer son programme de recherche. De nos jours dans aucun pays, l’Etat ne finance plus totalement le fonctionnement des structures sous tutelle ministérielle. Il y a toujours des exceptions, mais cette tendance de voir l’Etat s’accaparer de tout n’est plus d’application dans le monde moderne. On parle aujourd’hui de triple «P» pour dire Partenariat-Public-Privé. Et le CGEA en est pleinement conscient et s’y est bien préparé.
C’est ainsi que sans attendre les subventions de l’état, le CGEA finance son programme de recherche en finançant le fonctionnement de ses installations nucléaires, en payant les salaires des travailleurs non encore mécanisés, les primes d’encouragement de son personnel et même les contributions de l’Etat Congolais auprès des institutions internationales, comme l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.
Pour le moment, le CGEA travaille avec le gouvernement sur 3 axes que nous finançons déjà ou projetons de financer. Le premier axe, c’est de redémarrer le réacteur nucléaire de recherche qui est à l’arrêt technique depuis quelques années. C’est du reste là que nous mettons le plus de nos ressources jusque-là.
A ce sujet d’ailleurs, le Président de la République avait instruit le gouvernement de la République pour débloquer une somme importante estimée à plus de 3.4 millions de dollars en faveur de la modernisation et du redémarrage de notre réacteur de recherche TRICO II du CGEA. Que le ministre de la Recherche Scientifique déclare sur le plateau de télévision qu’il s’est opposé à cette instruction et a préféré bloquer le versement desdits fonds, cela nous laisse perplexe. Ces fonds sont destinés à une activité bien définie. Comment comprendre qu’ils soient désaffectés pour une autre destination? Cela ne ressemble-t-il pas aux divers cas de détournements que nous déplorons aujourd’hui? Je rappelle que quelques jours plus tôt, le même gouvernement de la République avait déjà écrit à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, pour lui annoncer que les versements desdits fonds étaient dans la chaine d’ordonnancement.
Comment pouvez-vous expliquer une telle contradiction de la part d’un ministre de la République ?
Ensuite, il s’agit de doter notre pays du tout premier Centre de Radiothérapie Public. Ce grand pays n’en a pas un seul et cela est un défi pour nous de donner à ce pays pionnier du nucléaire civil en Afrique cette installation médicale qui servira non seulement à traiter les malades de cancers divers, mais bien plus, à préparer les générations futures des scientifiques et médecins à investir dans ce domaine. Et ce programme est en phase avec le programme de 3ème cycle en sciences et techniques nucléaires que nous voulons établir en collaboration avec les Universités de notre pays pour disposer d’ici 10 ans d’une masse critique à même de pérenniser les acquis de la technologie nucléaire pour aider la RDC à récupérer sa place de nation pionnière du nucléaire sur le continent.
Et le 3ème axe, c’est de construire un grand laboratoire de recherche à Lubumbashi, dans le grand Katanga. Ce projet me tient beaucoup à cœur. L’idée, c’est de doter le pays d’une sorte de mémorial en souvenir aux multiples contributions de la RDC à l’essor du nucléaire tant civil que militaire dans le monde. Vous savez que ce grand pays a fourni son uranium aux grandes puissances d’aujourd’hui pour fabriquer le tout premier réacteur atomique dans le monde et ce même uranium de Shinkolobwe (dans les environs de Likasi) a contribué à l’avènement de la paix mondiale. Le CGEA a besoin de faire vivre ou revivre cette histoire. Elle doit être enseignée à nos enfants avec un musée du nucléaire à l’appui. Nous nous préparons à présenter ce projet au gouvernement dans 1 ou 2 ans, en vue de lancer les études de faisabilité.
Ce même projet aidera le gouvernement à capter le flux de ressources générées dans les analyses des minerais exportés par les compagnies minières étrangères. Nous avons déjà prospecté le marché et nous savons que le potentiel est bien là. Il ne nous reste plus qu’à mener des études préliminaires et présenter au gouvernement l’exécution du projet en 2 ou 3 phases.
4.Le ministère de la Recherche Scientifique a-t-il droit à une quotité sur vos recettes propres ?
Tant que cela est régi par des textes de lois et de réglementation clairs, je n’y vois aucun inconvénient. Après tout, c’est aussi cela la vie d’une nation. Je ne trouve aucun problème que le CGEA contribue au programme de développement de notre ministère en faveur d’un plus grand nombre de nos compatriotes. C’est du reste ce que devait normalement faire chaque ministère : contribuer à l’épanouissement national. Mais seulement à cela principalement, pas à quelque chose d’autre.
Donc, le ministère de la Recherche Scientifique a droit à une quotité si cela est ainsi dit dans la loi ou le règlement qui nous régit.
Mais en réalité, pour être clair, l’Arrêté sur lequel s’appuie le ministre José Mpanda pour réclamer le versement de ladite quotité pose problème.
En vérifiant clairement, ledit arrêté n’a pas suivi la voie légale pour être opposable à tous. Nos vérifications ont conclu qu’il n’a jamais été publié dans le Journal Officiel et qu’il n’a jamais été discuté au Conseil des Ministres. Un tel document pose des problèmes réels de respect et d’application des textes légaux qui nous régissent. Est-ce un document pirate ?
Le ministre de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique n’a jamais fourni des preuves aux questions que nous avons posées sur cet arrêté. Et nous, nous n’acceptons pas de nous faire imposer des choses qui n’ont aucun fondement juridique.
Nous, on pensait que le ministre actuel étant Avocat de carrière, il comprendrait nos réserves par rapport à l’application dudit arrêté. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit.
Pour aller loin, tous les prédécesseurs de José Mpanda au ministère de la Recherche Scientifique avaient bien compris le bienfondé de nos revendications et réserves vis-à-vis dudit arrêté et se contentaient d’un forfait sur les quotités. Mais à notre grande surprise, José Mpanda, Juriste de formation et Avocat de carrière, exige au CGEA d’appliquer à la lettre un tel document, sans fondement juridique.
Pire encore, Monsieur le Ministre de la Recherche Scientifique exige à la direction financière de lui envoyer les plans de trésorerie du CGEA avant que ceux-ci ne soient même discutés aux réunions du Comité de Gestion. Tout cela pour déterminer lui-même les montants à lui verser.
Et lorsque nous lui avions demandé de nous fournir un compte bancaire où, désormais, nous devrions lui verser lesdites quotités, il nous a communiqué un numéro de compte bancaire ouvert dans une banque de la place. Plusieurs mois plus tard, après vérification, il s’est avéré que ce compte où le CGEA a continué de verser les quotités dues au ministère de la Recherche Scientifique, appartient à un particulier.
On laisse entendre, dans les couloirs du ministère de la Recherche Scientifique, que vous auriez fait obstruction à une mission d’audit interne diligentée auprès de vous par la tutelle ? Pourquoi ?
C’est ce qu’ils disent, mais tout est question des prédispositions. Notre différend avec la tutelle réside principalement au niveau d’application des textes légaux qui nous régissent. C’est soit une interprétation erronée et biaisée de la loi, soit une utilisation à des fins autres que celles qui sont indiquées dans la loi. Tout cela au nom des pouvoirs politiques, tout simplement pour imposer un point de vue et essayer de justifier l’idée que l’on a derrière la tête. Je vous assure que nous en avons beaucoup souffert tout au long des mandats du ministre José MPANDA.
En réalité, nous ne sommes pas opposés à un quelconque audit. Mais nous avons fait recours à la loi qui nous en donne le droit. Le CGEA reçoit en moyenne 2 ou 3 missions d’audit ou d’inspection par an. Et nous n’avions aucune crainte par rapport à l’audit préconisé par la tutelle. Mais je reste convaincu qu’il s’agissait de quelconque fait à dessein avec l’intention manifeste de nuire à notre personne. Et c’est pourquoi nous avons préféré que cela se fasse dans le respect de la loi.
Rappelez-vous que Monsieur le Ministre José Mpanda parle de cet audit depuis qu’il a pris le commandement du Ministère.
Après plusieurs correspondances échangées avec la tutelle sur le versement des quotités, nous avons suspendu ces versements au mois de juillet 2021. En effet, nous nous sommes retrouvés face à deux textes, l’arrêté ministériel de la tutelle imposant aux Centres et Instituts de recherche de verser 15% de leurs recettes à la tutelle et en face d’un autre, une Note de Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de la République, interdisant aux structures sous tutelle de financer le fonctionnement et les frais de mission des cabinets ministériels.
Nous avions écrit au ministre de la RSTI de nous donner la ligne de conduite à suivre face aux deux textes. Resté sans réponse devant ce dilemme, nous avions compris que nous étions entre le marteau et l’enclume. Notre seule solution consistait à suspendre les versements en attendant une ligne de conduite claire à suivre.
Depuis lors, toutes les structures qui bénéficiaient de ces quotités ont constitué un front contre nous. Et curieusement, ce sont les mêmes entités du ministère et des amis contactés par-ci par-là qui sont désignés pour mener l’audit chez nous. Nous avions écrit au ministre pour rejeter cette pensée unique et avions proposé une structure neutre comme l’Inspection Générale de Finances ou une toute autre structure nationale à même de mener des audits neutres et en toute impartialité.
Ignorant notre demande, la tutelle a décidé de dépêcher la même équipe pour conduire l’audit avec un délai de 24 heures pour les recevoir. Nous avions une fois de plus fait appel à la loi pour exiger au moins 48 heures.
Et c’est cela que l’on appelle faire obstruction.
De toutes les façons, un audit de la tutelle est en cours pour tenter de dissiper tout doute et réduire à néant tous les mensonges entretenus à dessein. Tout ce que nous espérons, c’est qu’il soit fait dans le respect de la loi et dans la transparence, de sorte que les résultats soient opposables aux gestionnaires que nous sommes.
Vous avez appris que des caisses contenant des pièces comptables et autres ont été sorties de nos bureaux et emmenées ailleurs. A Lubumbashi ou à Kinshasa, c’est la même pratique. Ils veulent imposer à la nation congolaise entière les résultats d’audit imaginaires. Tout cela pour tenter de noyer le CGEA et placer ceux qui obéissent aveuglement. Quel crédit donneriez-vous à un audit mené sous une telle atmosphère et sous de telles conditions?
Monsieur le Professeur, pouvez-vous expliquer brièvement à l’opinion publique les missions dévolues au Commissariat Général à l’Energie Atomique ?
Les missions du Commissariat Général à l’Energie Atomique sont définies dans l’Ordonnance qui porte Statuts et Organisation de nos missions.
Il s’agit essentiellement de promouvoir le développement de la RDC par la technologie nucléaire. Et cela se fait au travers de la recherche, des différentes expertises et prestations pour le compte de l’Etat congolais et pour le compte des autres utilisateurs des techniques nucléaires. Et comme vous le savez peut-être, les techniques nucléaires ne s’arrêtent pas au réacteur nucléaire, mais elles s’étendent à la médecine dans le domaine de la santé humaine et animale, à l’agriculture dans le cadre de la lutte contre la faim et l’insécurité alimentaire, à l’éducation et à l’enseignement, à l’environnement, à l’énergie et l’eau, à l’industrie en général et dans les mines. Nos interventions sont donc transversales. Nous sommes partout où nous pouvons proposer des solutions aux problèmes qui se posent à la société, mais bien entendu en faisant recours aux techniques nucléaires.
Mais par-dessus tout cela, nous assistons le pays dans les missions de sécurité par le contrôle des matières nucléaires. C’est une mission que nous partageons avec d’autres parties prenantes impliquées dans la sécurisation du pays.
Nous conseillons le gouvernement sur les choix qu’il doit effectuer et les décisions qu’il doit prendre aux niveaux national et international sur des questions nucléaires.
L’Ordonnance qui définit nos missions et mandats est devenue un tout petit peu caduque ou dépassée. Nous avons besoin d’être mis à jour pour tenir compte des changements intervenus dans le domaine nucléaire, dans le monde avec conséquences immédiates chez nous au pays.
Ce qui est à regretter, c’est de voir le ministre de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique, promouvoir la création des sociétés privées, avec les mêmes missions que le CGEA dans le domaine nucléaire. Et pourtant le ministre, en sa qualité de mandataire public et représentant du gouvernement et de l’Etat, a l’obligation de protéger et de soutenir les institutions de l’Etat au lieu de les combattre.
Ceci explique en partie la guerre qu’il a engagée contre nous, tout simplement pour anéantir le CGEA au profit de ses propres sociétés, comme cela est le cas avec la plupart des entreprises du portefeuille de l’Etat. C’est la même politique du mépris et de manque de respect pour la chose publique.
Devant ce cas de conflit d’intérêt, il devait tout simplement démissionner.
7.Quel remède préconisez-vous pour éviter des conflits de cohabitation entre le cabinet de la Recherche Scientifique et les gestionnaires du Commissariat Général à l’Energie Atomique ?
Je pense qu’il est fondamentalement nécessaire que tout soit régi par des textes de lois et des règlements clairs. Ceux qui nous régissent actuellement doivent être actualisés et complétés pour servir de guides de conduites qui définissent de manière claire l’exercice de l’autorité et des pouvoirs détenus par les tutelles. Ensuite, des règles ou des critères pour diriger certains ministères spécifiques doivent être élaborés et appliqués. Et parmi ces critères, qui vont de la compétence au service de l’autorité, la probité morale devrait en être un de plus importants. C’est souvent le cas pour certains ministères jusque-là et ça marche comme vous le voyez. Et le pays en a besoin.
Vous l’avez bien résumé au début de votre interview, le CGEA est connu pour sa tranquillité et son climat de paix devenus légendaires.
Nous avons travaillé dans le respect les uns les autres avec tous ceux qui se sont succédé au ministère de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique (RSTI). Et pourquoi et comment tout cela peut soudainement s’effondrer aujourd’hui au point de déclarer sur des médias nationaux que l’on nous avait trompés ?
C’est scandaleux d’entendre cela d’un ministre de la République. Logiquement, il devait démissionner pour avoir fait montre d’une telle insuffisance.
Traiter ainsi un site nucléaire avec toutes les matières radioactives et nucléaires qui y sont utilisées, manipulées ou stockées, c’est totalement incompréhensible pour un homme d’Etat. Notre domaine de travail est hautement stratégique. Personne ne peut ni le comprendre, ni le lui pardonner. C’est terrible de voir jusqu’où la haine et l’ignorance peuvent conduire une personne.
Nous devons travailler pour éviter pareille situation de se produire dans l’avenir.
Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion pour éclairer l’opinion nationale.
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