De haut, semble tomber Jules Alingete, inspecteur général des finances et chef de service à l’Inspection générale des finances (IGF), mis en cause par le procureur général près la Cour des comptes.
Selon un communiqué officiel de cette juridiction, daté du 11 juillet dernier et abondamment relayé dans les médias depuis lundi, des invitations ont déjà été transmises à Alingete et cinq autres personnalités, dont des inspecteurs des finances, trempées dans le «dossier relatif au contrat de consultance établi» sur base d’un «ordre de mission» signé par le chef de service de l’IGF, sur «demande» de Placide Nkala, Directeur général de la Gécamines.
Seulement voilà, Jules Alingete boude de répondre à cette invitation du procureur près la Cour des comptes, arguant, par personnes interposées, que «les inspecteurs des finances ne peuvent être entendus sur les faits découlant de leur travail que sur autorisation expresse du Chef de l’Etat, selon la loi portant statut judiciaire des Inspecteurs des finances».
Cette ligne de défense, soutenue par un pro-Alingete, qui s’est confié à l’Agence congolaise de presse (ACP), est battue en brèche par des arguments de droit, qui mettent le n°1 de l’IGF et ses acolytes dos au mur, non sans reposer sur leurs épaules d’autres infractions. Notamment, celle d’entrave à l’action de la Cour des comptes.
En effet, renseigne une correspondance de la Cour des comptes, consultée en exclusivité par Opinion-info.cd, Jules Alingete, de par sa qualité de chef de service à l’IGF, un service public qui relève du pouvoir central, est «justiciable» de la Cour des comptes, conformément à l’article 32, alinéa 1er, point 4 de la loi organique du 13 novembre 2018 relative à cette juridiction.
Cet article dispose : «Sont justiciables devant la Cour des comptes pour faute de gestion en matière de discipline budgétaire et financière, (…) tout responsable ou agent des entreprises publiques, des établissements ou organismes publics».
Un autre argument de droit qui cloue définitivement Alingete a été puisé dans l’ordonnance n°87-323 du 15 septembre 1987, portant création de l’Inspection générale des finances, telle que modifiée et complétée à ce jour. Selon l’article 6 bis, alinéa 2, de cette ordonnance, l’Inspecteur général des finances-Chef de service est un «officier de police judiciaire».
«Il en résulte qu’il est légalement subordonné au Procureur général près la Cour des comptes, qui exerce les fonctions du ministère public», soutient cette correspondance, en s’appuyant sur l’article 17, alinéa 2 de la loi organique sur la Cour des comptes.
Et d’enchainer :
«L’article 294 de la Loi organique déjà mentionnée renvoie à l’application par la Cour des dispositions du Code de procédure pénale, du Code de procédure civile ainsi que celles de la Loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, dont l’article 67 dispose ce qui suit : ‘‘En matière répressive, le ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations, accomplit tous les actes d’instruction et saisit les Cours et Tribunaux’’.
Au sujet de l’IGF, a appris Opinion-info.cd, pas moins de trois dénonciations ont été formulées auprès du Procureur général près la Cour des comptes. A ces dénonciations s’ajoute le «refus» de Jules Alingete de «communiquer le dossier relatif aux émoluments des mandataires publics». «Ce fait est constitutif d’entrave à l’action de la Cour des comptes (article 98 in fine de la loi organique relative à la Cour des comptes)», prévient-on dans cette correspondance consultée en exclusivité par acturdc.com.
Le ciel, estiment de nombreux observateurs, est recouvert de nuages pour Alingete, dont la vraie nature, longtemps dissimulée dans la campagne de communication qu’il se paye par la force des billets verts, du reste acquis dans des circonstances malencontreuses, est sur le point d’être révélée à l’opinion. Ce qui expliquerait, selon les mêmes observateurs, ses gesticulations et son stratagème de tenter de bloquer l’action de la Cour des comptes au niveau de la forme, tant pour ce qui est du fond, tout porte à croire qu’il sera cuit.
Ainsi, en boudant la convocation de la Cour des comptes, Jules Alingete entrave à l’action du procureur et aggrave son cas, selon cette juridiction.
Cacophonie à l’IGF -Inspection générale des finances-. Le chef de ce service public, rattaché à la présidence de la République, Jules Alingete, prêt à casser sa tirelire pour s’acheter l’image d’un farouche opposant au détournement et à la corruption, est cependant loin d’incarner cette image.
Son expérience avec la Gécamines (un exemple parmi tant d’autres) révèle comment Alingete, soucieux de faire le plein de ses poches, a dévié l’IGF et ses ressources (notamment les inspecteurs des finances) de leurs missions légalement établies.
Fin octobre dernier, la hiérarchie de cette entreprise publique a sollicité, après environ trois ans d’une mission d’encadrement menée par les hommes d’Alingete, de transformer ladite mission d’encadrement en une «équipe de consultants» devant «travailler avec les services» de la Gécamines.
Le souci du DG de la Gécamines, Placide Nkala Basuadila, est de «réactiver les procédures existantes dans les domaines financier, budgétaire et de contrôle interne», et de profiter de «l’expertise (des inspecteurs de l’IGF), pour le fonctionnement effectif de la Cellule interne de passation des marchés publics et le renforcement de l’audit interne».
Placide Nkala Basuadila a formulé cette demande dans sa correspondance du 31 octobre dernier, faisant preuve d’un tel degré d’ignorance sur la stricte observance des dispositions légales relatives aux missions dévolues à l’IGF et ses inspecteurs.
Nkala a malheureusement été accompagné dans son ignorance par Alingete, censé connaître par cœur les prérogatives de l’IGF, mais qui s’est visiblement affiché incapable de résister à l’opportunité de renflouer sa gibecière d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Avec célérité, le chef de service à l’IGF a favorablement répondu à la demande de la Gécamines, en signant, le 7 novembre 2023 (soit en l’espace d’une semaine), un ordre de mission, pour un travail de «consultance auprès de la Gécamines» durant 90 jours.
Consécutivement à cet ordre de mission, Alingete a expédié une «note de frais et honoraires des prestations de la mission de consultance de l’IGF». L’addition, pour le seul mois de novembre, est salée. Elle s’est chiffrée à 150.000 dollars hors taxe et payable dans un compte bancaire logé à Equity-BCDC, selon cette note de frais.
Sauf que l’IGF, qui est un service de contrôle, ne peut jamais se transformer en cabinet de consultance.
«L’Inspection générale des Finances ne peut en aucun cas se muer à un service de consultance. Cette mission n’est pas reconnue à l’IGF, qui ne s’occupe que du contrôle sans rien attendre des structures étatiques contrôlées», explique, sous un cachet d’anonymat, un inspecteur des Finances, dégoûté par cette orientation donnée à l’IGF par Alingete, qui «viole gravement et intentionnellement» la Loi organisant ce service public.
Et un autre d’enfoncer : «Les contrôles de l’IGF s’exécutent en respectant les étapes fondamentales reconnues : le contrôle a priori et le contrôle a posteriori, pour empêcher les différents cas de malversations financières. Ça ne change jamais de format ».
Le même inspecteur est surtout écœuré de savoir que l’IGF, version Alingete, exige des frais au titre de «honoraires des prestations» auprès des entreprises soumises au contrôle de ses inspecteurs.
Pourtant, l’Ordonnance du 24 septembre 2020 modifiant et complétant celle du 15 septembre 1987 portant création et fonctionnement de l’IGF, ne reconnait nullement ces fameux «frais d’honoraires de prestation» parmi les sources de financement des activités de ce service public énumérées à l’article 12 ter.
«Cette note de frais est fonction du niveau de qualification requise par la nature et la complexité des travaux effectués et du temps passé par l’équipe d’inspecteurs des Finances. Nos frais et honoraires d’experts pour le mois de novembre 2023 s’élèvent à cent cinquante mille (150.000,00) dollars US hors taxes. Ce montant repose sur des conditions de déroulement normal de nos travaux et sur l’assistance active de vos services», a-t-il motivé dans sa note de frais transmise à la Gécamines, sans évoquer la moindre disposition légale le lui autorisant de poser cet acte.
Depuis, des inspecteurs de l’IGF perçoivent «des frais de consultance» auprès de la Gécamines, sur instruction de l’Inspecteur chef de service, Jules Alingete.
«Les inspecteurs de l’IGF ne sont pas des consultants, bien qu’ils mènent de fois le contrôle concomitant», a recadré cet inspecteur qui a refusé de se mêler dans une entreprise de prédation contre les deniers publics et les Lois de la République.
Genèse de l’IGF en mode consultance
L’IGF -Inspection générale des finances-, pour satisfaire la gloutonnerie de son chef, passe en mode consultance grâce au génie d’Alingete. Comment en sommes-nous arrivés à ce point ?
Tout commence par une guerre de correspondance entre l’IGF et la Gecamines. La première a porté des allégations de détournement de fonds contre la seconde, rendu possible au travers de la SIMCO, une entreprise dont la Gécamines est actionnaire majoritaire avec 99% des parts.
Des allégations auxquelles les dirigeants de cette entreprise publique ont apporté un cinglant démenti. L’IGF a persisté dans ses accusations et a établi des «actes de détournement» commis par la Gécamines en 2022, relatifs à des versements réalisés par la SIMCO, au profit des mandataires et agents de cette entreprise publique, entre octobre et décembre 2022.
Dans son communiqué du 26 octobre, la Gécamines a regretté de voir l’IGF se fier aux rumeurs des réseaux sociaux, pour établir, sans évidence, des actes de détournement imaginaires.
Comme pour conclure une paix des braves, la Gécamines a sollicité de l’IGF la transformation de sa mission de contrôle en une mission de consultance payante. Une sollicitation alléchante à laquelle Alingete n’a pu résister, établissant au plus vite un ordre de mission du 3 octobre 2023 référencé comme suit : « n°395/PR/IGF/IG-CS/JAK/BAU/2023 ».
«Subsidiairement à l’Ordre de mission n°345/PR/IGF/IG-CS/JAK/BEP/2023 du 3 octobre 2023, l’Inspecteur général des finances Lutete Mvuemba, chef de mission, ainsi que les Inspecteurs des finances Bambi Mpumbu, Kavuma Kadima, Mbuyi Cikunga et Mabela Mbala sont chargés d’une mission de consultance auprès de la Générale des carrières et des mines, dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba», lit-on dans cet ordre de mission établi par Jules Alingete.
Fort de cet ordre de mission, les inspecteurs transformés en consultants ont eu à poser des actes relatifs au travail qu’ils devraient effectuer durant 90 jours. Ce travail a consisté à procéder, de concert avec les services internes de la Gécamines, à l’implémentation des procédures budgétaires, financières, de contrôle interne et celles relatives aux marchés publics, en particulier :
– renforcer les procédures budgétaires, financières, de contrôle interne existantes au sein de la Gécamines ;
– redynamiser les mécanismes de contrôle interne dans les sites de production et usines de la Gécamines ;
– contribuer à l’implémentation de la loi relative aux marchés publics ;
– procéder au renforcement des capacités du personnel de la Gécamines en matière de gestion des procédures budgétaires, financières, de contrôle interne et de passation des marchés publics.
Les inspecteurs-consultants, selon des informations captées par Opinion-infos.cd des documents officiels, ont gracieusement été payés par la Gécamines. Jusqu’au 14 décembre dernier, cette entreprise publique avait déjà déboursé un montant de 150.000 USD sur un total de 7.500.000 USD.
De quoi engraisser Alingete et ses hommes, pris ainsi en flagrant délit de corruption. Avec un tel traitement princier, ces inspecteurs peuvent-ils encore travailler en toute indépendance ?
acturdc.com