Plainte déposée contre lui en Belgique, sanctions internationales contre les autorités congolaises, violences au Kasaï et évasions successives dans les prisons de la RDC… En séjour à Paris, Alexis Thambwe Mwamba, ministre congolais de la Justice, a répondu mardi aux questions de Jeune Afrique.
Un séjour parisien aux allures d’offensive médiatique. Depuis son arrivée mardi 20 juin au matin à Paris, Alexis Thambwe Mwamba enchaîne les interviews. Une « possibilité de discuter avec la presse sur les questions d’actualité », se justifie le Garde des sceaux congolais, qui a tenu la veille une conférence de presse à Genève. « Je me suis rendu compte que ce qui se passe en RDC est souvent déformé. C’est l’occasion de rétablir certaines vérités », poursuit-il, confortablement installé dans un fauteuil de son hôtel luxueux.
La campagne médiatique du ministre de la Justice tombe à pic, au moment où celui-ci se retrouve au cœur de l’actualité congolaise pour diverses raisons. Une plainte pour crimes contre l’humanité a été déposée contre lui le 18 juin en Belgique en raison de propos tenus sur RFI en 1998 (quand il était un des leaders de la rébellion du RCD) ; plusieurs évasions massives en moins d’un mois dans les prisons congolaises ont fait grand bruit ; les Nations unies martèlent leur volonté de mettre en place une commission d’enquête internationale sur les violences au Kasaï ; l’opposant Moïse Katumbi a annoncé son retour « imminent », avec le soutien de la communauté internationale… Réaction de l’intéressé.
Jeune Afrique : Devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, la RDC continue à s’opposer à toute enquête internationale dans le Kasaï sans sa participation. Pourquoi cette réticence si l’État congolais n’a rien à cacher ?
Alexis Thambwe Mwamba : Je ne sais pas si vous connaissez beaucoup de pays au monde qui acceptent que les enquêteurs internationaux viennent et lancent des investigations en excluant les autorités judiciaires nationales. Nous n’avons aucune réticence. Nous voulons la lumière sur ce qui se passe au Kasaï et nous proposons aux Nations unies d’envoyer des experts pour épauler la magistrature congolaise. Celle-ci a déjà fait ses preuves : le procureur de la Cour pénale spéciale en Centrafrique n’est-il pas congolais ?
Où en est-on aujourd’hui de l’enquête sur l’assassinat de deux experts de l’ONU au Kasaï ?
Nous avons déjà bouclé le dossier : nous avons identifié tous les assassins de ces deux experts de l’ONU, certains sont en prison, d’autres sont en fuite. Nous avons reçu des témoignages, des aveux. Et le procès a démarré le 5 juin à Kananga.
Pourquoi le procureur général de la République a-t-il attendu les révélations du New York Times fin mai sur un enregistrement audio accablant un député pour ouvrir une enquête préliminaire alors que cet élément sonore était déjà connu des services de sécurité congolais depuis plusieurs mois ?
Cet élément sonore n’est pas tombé du ciel ! À la suite des troubles au Kasaï, il avait été décidé de mettre un certain nombre de personnalités sur écoute. Cet enregistrement n’a pas donc été réalisé par Zaida Catalán [l’une de deux experts de l’ONU assassinés en mars au Kasaï, NDRL], même s’il a été trouvé dans son ordinateur. C’est un élément sonore authentique qui provient de nos services. Il a été fait pour nous permettre d’avoir une vision d’ensemble et de savoir qui sont les acteurs positifs ou négatifs de la situation au Kasaï.
Mais pourquoi rien n’a été fait avant les révélations de New York Times ?
Les révélations du New York Times ont peut-être perturbé l’enquête. S’il n’avait pas publié cet enregistrement à ce moment-là, nous aurions pu avoir un échantillon plus large de personnes que le parquet devait pouvoir interroger.
À Kinshasa, c’est une motion de défiance qui a été déposée le 13 juin contre vous à la suite de plusieurs évasions à travers le pays. Vous avez limogé le directeur de la prison centrale de Makala. En tant que ministre de la Justice, n’êtes-vous pas le premier responsable de la situation, celui qui devrait en tirer les conséquences ?
Si j’estimais que ma responsabilité personnelle était engagée, je l’aurais fait. J’ai trouvé qu’il y avait des failles dans la gestion de la prison de Makala. C’est pourquoi j’ai relevé son directeur de ses fonctions. Mais, outre la gestion administrative de cette maison d’arrêt qui incombe au ministre de la Justice, il y a la gestion sécuritaire de la prison qui ne relève pas de moi.
Autrement dit, c’est le ministre en charge de l’Intérieur qui devrait démissionner…
Non ! Je ne dis pas cela. Nous sommes en train de faire une enquête pour établir les responsabilités. Pourquoi les services de police n’ont-ils pas fonctionné correctement ?
Congoactu.net/acturdc.com