Analysant de près le comportement du gouvernement congolais, on a la nette conviction qu’il s’affiche comme si son enseignement supérieur et universitaire ne constitue pas son affaire. C’est peut-être compréhensible dans la mesure où les diplômes de cet enseignement sont plus des facteurs de promotion individuelle que des clés pouvant ouvrir les portes du développement socio-économique. Ces diplômes font souvent office et fonction de passeport permettant à leur détenteur d’avoir l’illusion d’être un peu plus que les autres, leurs concitoyens non universitaires. Aussi, pense-t-on, avec ces diplômes on peut gagner la vie ailleurs dans les pays riches ou dans les organisations internationales.
D’autre part, la présence des savants congolais dans les communautés académiques mondiales n’entraîne pas un profit ; au contraire, ils sont perdus pour les causes congolaises même les plus opportunes pour travailler à des solutions conçues et pensées de l’extérieur négligeant des besoins, spécifiques internes au Congo.
Que faire ?
Voici une grande question qui nous amène au tissage des stratégies : cet art d’organiser, de préparer et de mettre en œuvre les moyens nécessaires et suffisants pour surmonter les obstacles de toute sorte et nature qui s’opposent à la réalisation d’un objectif jugé noble qu’on s’est fixé. Elle est élaborée dans le but d’anticiper correctement l’évolution de la démarche, de revoir et de prévoir, de ressaisir et même de présenter le passé, tout en ayant un coup d’œil intuitif dans l’avenir vers le but à atteindre, et tout en restant dans l’éternelle présence de ce même but.
Que faire? Eh bien, il faut positivement rompre, il faut casser une situation, mettre à mort un état de chose ou d’un genre de situations. C’est ce que j’appelle « la stratégie de rupture positive », vue comme un processus à long terme qui se laisse percevoir comme un point intermédiaire entre une situation (A) jugée malfaisante et intolérable et une situation (B), considérée bienfaisante et épanouissante pour les citoyens congolais. En d’autres termes, il s’agit d’un acte conscient et éminemment politique, provoqué et confectionné laborieusement pour mettre fin à la situation (A) dans le but de la remplacer par une autre (B) absolument différente de l’ancienne.
En ce qui concerne notre enseignement supérieur et universitaire, les raisons pour rompre sont multiples. Eu égard au tableau assez sombre que j’ai présenté ci-haut, les stratégies de la rupture positive peuvent se tisser dans le domaine culturel pour une désoccidentalisation totale de l’université congolaise afin que celle-ci récupère son identité congolaise modernisée au sein de la communauté universitaire mondiale. C’est de « l’odeur du Père » qu’il faut se défaire. Se défaire de cet étouffoir qui suffoque l’universitaire congolais de l’étrangeté de son odeur. A l’enseignement supérieur et universitaire congolais, et ceci saute aux yeux, la dépendance culturelle, plus subtile que l’hégémonie politique des forces étrangères, impose un type d’enseignement non adapté, une culture des autres, une langue qui est loin d’être un langage porteur des significations réelles, des programmes et des croyances des autres. Tout cela prive l’intellectuel universitaire de la possibilité de découvrir, par lui-même, des solutions originales et adaptées à ses conditions et de contrôler son processus de développement.
Au niveau des problèmes théoriques des sciences humaines et sociales, la rupture positive s’impose à jamais. Combien ne stigmatisent-ils pas les faiblesses scientifiques des chercheurs congolais ? Il est important que l’universitaire congolais plonge profondément dans une critique qui dépasse le simple rafistolage méthodologique et la seule revalorisation éthique des recherches africanistes. Je qualifie la science congolaise de commerce des idées usagées dans ce domaine.
« Faut-il brûler l’université ? » pour ne plus éduquer ? Je pense que non, ce qu’il faut, c’est de comprendre clairement la relation enseignement-société et en même temps la relation université-société. Si l’un, l’une est en crise, l’autre ne peut mieux se porter et vice versa ; l’un, l’une ne peut qu’être le reflet de l’autre et vice versa.
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